Le patron de Huawei prévient ses salariés que le pire est à venir

Peu à peu éjectés des marchés mondiaux des télécoms, Huawei et ZTE laissent la place à leurs concurrents, le suédois Ericsson et le finlandais Nokia, mais aussi au coréen Samsung - STR/AFP
Huawei, géant au pied d’argile? Numéro un mondial des infrastructures de télécommunication, le groupe chinois misait sur la 5G pour asseoir sa position. Accusé d’espionnage, Huawei est devenu un paria dans de nombreux pays occidentaux et alliés des Etats-Unis. La situation n’a cessé de se dégrader depuis le mois de décembre dernier, mais le patron et fondateur du groupe Ren Zhengfei qui a récemment pris la parole de manière exceptionnelle pour démentir les accusations, semble avoir prévu depuis l’automne l'ampleur qu'allait prendre cette affaire.
Dans un courrier adressé à ses cadres en novembre dernier et dévoilé par le Financial Times, le dirigeant affiche son pessimisme sans détour. "Nous devons nous préparer aux moments difficiles", annonce Ren Zhengfei en ajoutant que le personnel pourrait faire les frais de la fermeture de plusieurs marchés. Huawei emploie 180.000 salariés et précise verser "30 milliards de dollars par an" en salaires et en dividendes. "Nous allons devoir nous séparer des employés médiocres et réduire les dépenses de main-d'œuvre", a menacé l’ancien officier de l'Armée populaire de libération qui a aussi demandé aux responsables des ressources humaines de se préparer à une "révolution".
L'Europe ne veut pas se fâcher avec la Chine
En 20 ans, les revenus du groupe sont passés de 1 à 100 milliards de dollars en se développant dans le monde entier avec ses infrastructures télécoms et ses appareils mobiles. Dans son courrier, Ren Zhengfei estime que cette expansion stratégique a eu un revers: "Notre organisation s'est développée de manière destructive. Nous devons examiner attentivement si toutes les filiales géographiques sont efficaces. […] Afin de remporter la victoire finale, nous devons procéder à une rationalisation organisationnelle".
En novembre, le dirigeant du groupe chinois sentait donc que sa situation s’aggraverait. Accusé d’espionnage au profit du gouvernement chinois, Huawei a déjà été banni des Etats-Unis, du Royaume Uni d'Australie et de Nouvelle-Zélande. Le Canada et Japon s’apprêtent désormais à lui interdire de participer au développement de la 5G dans leur pays.
L’Europe pourrait suivre depuis l’arrestation en Pologne d’un cadre de Huawei accusé d’espionnage. Joachim Brudzińsk, ministre polonais de l’Intérieur, demande que l'UE et l'OTAN adoptent une "position commune" contre Huawei tout en conservant "de bonnes relations avec la Chine". En septembre, une note interne de la commission européenne évoquait la présence de "backdoor" sur les équipements de Huawei et ZTE et appelait les pays de l'UE à la prudence.
Une forte présence en France
Et la France? En 2012, un rapport sur la cyberdéfense de Jean-Marie Bockel, sénateur du Haut-Rhin, lançait une alerte sur les risques d’espionnage avec les routeurs télécoms chinois de Huawei et de ZTE. Dans ce document, remis à l’époque à Fleur Pellerin, secrétaire d’Etat au Numérique, le sénateur demandait d’interdire en Europe le déploiement et l'utilisation de ces équipements "qui présentent un risque pour la sécurité nationale". Huawei aurait ainsi été écarté de la 4G en Île-de-France pour préserver les informations des lieux de pouvoirs et des sièges des grandes entreprises.
En décembre dernier, Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, annonçait la nécessité de "fixer des limites" à Huawei. L’entreprise chinoise ne peut déjà pas répondre à certains appels d’offres émis par les administrations sensibles. Orange a annoncé qu’il ne s’équipera pas des infrastructures Huawei pour le déploiement de la 5G en France. En décembre, sur BFMBusiness, Stéphane Richard, patron d’Orange, disait "tenir compte des messages de prudence envoyés par les autorités".
En France, Huawei dispose de quatre centres de R&D (Sophia Antipolis, Paris et deux à Boulogne-Billancourt) et compte en ouvrir un cinquième à Grenoble d'ici 2020. Il emploie plus d'un millier de salariés dans l'Hexagone parmi lesquels plus de 170 chercheurs.
les malheurs de huawei et zte font le bonheur de nokia et ericsson
Peu à peu éjectés des marchés mondiaux des télécoms, Huawei et ZTE laissent la place à leurs concurrents, le suédois Ericsson et le finlandais Nokia, mais aussi au coréen Samsung. Aux Etats-Unis, les opérateurs télécoms (T-Mobile, Sprint, AT&T et Verizon) ont déjà confiés à ces entreprises le déploiement de la 5G. Selon Dell'Oro, un cabinet d'analyses spécialisés dans les télécoms, Ericsson et Nokia seraient déjà en tête aux Etats-Unis devant Samsung. Huawei ne serait qu'au quatrième rang sur le marché américain.
