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Deepfake de Chuck Schumer, largage d'excréments par avion... Quand les républicains misent sur l'IA pour décrédibiliser leurs opposants

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Le Comité national républicain du Sénat (NRSC) a partagé un deepfake de Chuck Schumer, le chef de la minorité au Sénat, qui donne l'impression que les démocrates célèbrent le shutdown aux Etats-Unis. Une stratégie largement inspirée de leur chef de file et président des Etats-Unis, Donald Trump.

Utiliser l'IA pour discréditer des opposants politiques? Les républicains n'y voient aucun problème. Comme le rapporte AP News, le Comité national républicain du Sénat (NRSC) a récemment mis en ligne vendredi 17 octobre une vidéo de Chuck Schumer, le chef de la minorité démocrate au Sénat, qui en a fait les frais.

Dans cette vidéo générée par IA, on peut voir le démocrate détailler les conséquences politiques du shutdown américain qui paralyse le pays... et se réjouir de la situation.

"Ce sont les propres mots de Chuck Schumer"

"Chaque jour est meilleur pour nous", peut-on l'entendre dire, sourire aux lèvres, dans la vidéo générée par IA d'une trentaine de secondes. "Vraiment Chuck? Comment ça?", lance alors une voix-off.

Des extraits de reportage défilent alors. On peut par exemple y voir des familles de militaires faire la queue pour les banques alimentaires ou des responsables de la Maison Blanche s'indigner des effets du shutdown. "Schumer pense que jouer avec les moyens de subsistance des Américains n'est qu'un jeu", assure la voix-off, tout en assurant que les démocrates "adorent" cette impasse politique.

En réalité, son discours a été détourné par le NRSC. la phrase "chaque jour est meilleur pour nous" a bel et bien été prononcée mais pas face à une caméra mais dans un article de Punchbowl News, un journal américain. Elle est enfin et surtout sortie de son contexte.

Dans l'interview originale, il précise que son parti avait anticipé le shutdown. "Nous savions que les soins de santé seraient au cœur des préoccupations le 30 septembre et nous nous y étions préparés… Leur théorie était: nous menacer, nous embobiner, et nous nous soumettrions en un jour ou deux", lance-t-il, tout en assurant que son camp ne céderait pas face aux menaces républicaines. Il explique également que chaque jour qui passe renforce la position démocrate et sa pertinence: "Mais chaque jour, nous progressons davantage, à mesure que le message s’ancre de plus en plus profondément."

Donald Trump, le (mauvais) exemple

Les Républicains, eux, semblent assumer ce choix. "Le contenu généré par l'IA est là", se défend Joanna Rodriguez, porte-parole du NRSC, à AP. "Il sera utilisé dans les campagnes. Il sera conforme aux normes légales et éthiques." "Ce sont les propres mots de Chuck Schumer", poursuit-elle. "La vidéo est un moyen pour les électeurs de les voir et de les entendre eux-mêmes."

Pourtant, 28 États américains ont adopté des législations prohibant les deepfakes de personnalités politiques, particulièrement dans le contexte électoral. Cependant, la plupart ne les interdisent pas catégoriquement si elles sont clairement divulguées. De son côté, X n'a, pour le moment, pris aucune mesure contre cette publication.

Ce n'est pas la première fois qu'un membre du parti républicain partage un deepfake ou une vidéo générée par IA. Le chef de file du parti, Donald Trump, en publie régulièrement une myriade sur Truth Social, quitte à propager de la désinformation.

Dernier exemple en date pas plus tard qu'hier. Le 19 octobre, le président des Etats-Unis a jugé bon de réagir aux manifestations "No Kings" ("Pas de rois", NDLR), ces rassemblements pacifiques contre "les prises de pouvoir autoritaires" de l'administration Trump avec une vidéo générée par IA.

Donald Trump, ubuesque, largue des excréments sur les manifestants qui s'opposent à ses dérives autoritaires
Donald Trump, ubuesque, largue des excréments sur les manifestants qui s'opposent à ses dérives autoritaires © Truth Social

Dans la séquence, on peut le voir à bord d'un avion de chasse "King Trump". Le président, affublé d'une couronne, fend le ciel sur la bande originale culte du filmTop Gun. Il s'amuse alors à deverser ce qui semble être de matière fécale sur les manifestants.

Fin septembre, le républicain a publié une fausse vidéo générée par IA. On peut y voir Chuck Schumer et Hakeem Jeffries, le chef de la minorité démocrate à la Chambre des représentants, tenir des propos grossiers et inventés sur l'immigration et la fraude électorale. En juillet, il partageait une fausse vidéo où Barack Obama se faisait arrêter.

"L'IA ne change pas foncièrement les stratégies de la mouvance liée à Donald Trump, mais il y a un effet stéroïdes. Donald Trump s'est souvent appuyé sur son arrière boutique MAGA, les trolls et les militants sur les réseaux qui créent des mèmes", observait Romain Fargier en juillet dernier pour Tech&Co. Mais l'IA a changé la donne. "Elle permet de créer des contenus de qualité à une production industrielle. Ca a dopé le phénomène de memification de la politique, surtout aux Etats-Unis."

Une stratégie qui galvanise ses soutiens, et qui n'incite pas son parti à adopter un usage responsable de l'IA, bien au contraire.

Salomé Ferraris