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Valorant fête ses cinq ans: "La suite spirituelle de Counter-Strike" qui a su viser juste

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Sorti en pleine pandémie à l’été 2020, largement inspiré de "Counter-Strike", "Valorant" a néanmoins su trouver son identité au fil du temps pour devenir l’un des rois de l’esport et de Twitch. Au point de séduire des joueurs chevronnés comme ZeratoR ou d’embarquer de nouveaux venus comme Loupiote.

Des tirs dans tous les sens, un gameplay très nerveux, mais coloré, et à la fin, des joueurs qui exultent. C’est une scène assez typique d’un jeu de tir compétitif à la première personne (FPS). Valorant, comme d’autres, fait vibrer les fans d’esport, mais aussi ceux qui y jouent. Ce ne sont pas ZeratoR et Loupiote qui diront le contraire.

Comme beaucoup d’amateurs du genre, ils sont partis au combat à l’été 2020, en pleine pandémie et en sortie de confinement, quand Riot Games a lancé son dernier FPS tactique. "C’était la suite spirituelle d’un jeu auquel je jouais beaucoup avant, Counter Strike. Un Counter Strike rafraîchissant et moderne", rappelle à Tech&Co Adrien "ZeratoR" Nougaret. "C’est arrivé au bon moment. C’était un jeu gratuit, partageable, compétitif alors qu'on était confiné. J’y suis allé tout de suite."

ZeratoR et Loupiote ou Valorant en déclencheur

Pour Lou Henguelle, c’est une aventure dans la même veine, mais sous forme de véritable coup de foudre en prime. Celle que l’on connaît désormais sous le nom de Loupiote n’avait jamais posé ses mains sur un jeu PC avant. "Je ne suis pas joueuse à la base. J’ai découvert le jeu à l’époque grâce à des amis du lycée avec lesquels je traînais le soir sur Discord pendant qu’ils jouaient à Counter-Strike, Fortnite, etc.", explique-t-elle. "J’avais très envie d’y jouer, mais à la maison, c’était plutôt interdit. Pas 'un truc de filles'…"

Elle part alors faire ses études à Lille et hérite d’un ordinateur en cadeau. Elle peut enfin s’y essayer et avec succès. "Je suis très fidèle en couple avec Valorant depuis cinq ans", confie Loupiote en rigolant. "Il n’y a aucun autre jeu qui m’intéresse." Il faut dire que, comme dans toute relation, Loupiote avoue que le jeu lui a beaucoup apporté sur le plan personnel. Elle s’est découvert un esprit compétitif, l’envie d’aller plus loin. "Grâce à Valorant, j’ai appris à jouer, commenter, créer du contenu, coacher. C’est un jeu qui m’a rendue plus légitime, plus visible", s’enthousiasme celle qui partage son temps entre Science Po, sa carrière de joueuse professionnelle et ses streamings.

ZeratoR reconnaît, lui aussi, que ce jeu a changé sa vie. Figure emblématique de l’e-sport, il a trouvé une sorte de coup de frais avec Valorant. "J’ai énormément joué à Counter-Strike dans ma jeunesse et j’avais l’impression d’en avoir fait le tour", confie-t-il. "Avec Valorant, j’ai tout de suite vu le potentiel compétitif." Au point de créer sa propre structure, Mandatory, qu’il va lancer dans les compétitions en 5 contre 5 sur Valorant. "On a d’abord créé un site communautaire et attendu un an et demi pour voir comment Riot Games aller s’impliquer", explique ZeratoR. "On y est allé, car il y avait tout à construire et c'était plus abordable financière que sur d'autres jeux."

"On y est allé, car il y avait tout à construire"

Aujourd’hui, Valorant enregistre quelque 35 millions de joueurs actifs par mois, sur PC et désormais sur consoles, et des millions de spectateurs en streaming. Des joueurs de tous âges, des anciens adeptes de Counter-Strike et des amateurs de FPS. "Il réussit surtout à attirer plus de jeunes, plus de femmes, et même des gens pour qui c’est le premier FPS. Le côté gratuit, coloré, moins réaliste, le rend plus accueillant que Counter-Strike", analyse le Montpelliérain, pourtant ancien joueur star du jeu. Et Loupiote de saluer l’implication de l’éditeur dans la communication autour de son jeu, le soutien aux nouveaux venus, aux streamers aussi qui apprécient le fait de devoir composer des équipes avec des agents spécifiques pour être compétitifs. "Ça crée des situations variées et de l’imprévu qui plaisent aux spectateurs," note-t-elle.

Lou "Loupiote" Henguelle est joueuse de Valorant et casteuse aussi
Lou "Loupiote" Henguelle est joueuse de Valorant et casteuse aussi © DR

Et la Nordiste se félicite aussi de contribuer à faire de Valorant une scène beaucoup plus féminine que sur d’autres jeux. "Riot a mis en place très tôt une scène féminine avec les Game Changers (compétition officielle avec un tournoi féminin, NDLR). Ça change tout!", clame la joueuse qui considère le jeu comme "un spectacle permanent avec ses fails, ses cris, ses interactions spontanés". Un jeu qui veut ouvrir une voie à l’émancipation féminine dans le jeu vidéo et lui a offert une carrière professionnelle.

"Valorant m’a aussi permis de défendre la place des femmes dans le jeu compétitif. Si j’avais un message à passer aux filles: arrêtez d’avoir peur de jouer. Valorant peut vous donner une voix, une équipe féminine ou mixte, une place", martèle Loupiote.

Si les deux joueurs sont toujours aussi enthousiastes cinq ans après leurs débuts dans Valorant, c’est grâce "au rythme soutenu des mises à jour" qui "n’altère pas l’intégrité du jeu." Cela garantira sa pérennité et son héritage avec la scène esport que Riot Games a stabilisé et élevé. "Le circuit mis en place a même poussé Counter-Strike à modifier la structure de ses propres tournois", analyse ZeratoR qui affirme que le jeu a changé sa vision de l’esport en faisant de lui un responsable d’équipe bien plus impliqué.

Un jeu à succès dans les pas de Counter-Strike

S’il apprécie grandement le jeu, ZeratoR conserve une certaine lucidité. "Il y a plus de similitudes que de différences entre Counter-Strike et Valorant. Beaucoup de joueurs ont fait la bascule d’un jeu à l’autre. La spécialité de Riot Games, c’est de ne rien inventer, mais de sublimer ce qui fonctionne", s’amuse-t-il à glisser, tout en reconnaissant que le "melting pot" inspiré de plusieurs jeux laissera une empreinte dans le gaming par son écosystème compétitif, mais aussi sa capacité à attirer de nouveaux joueurs vers le FPS et à les retenir.

Vue de la salle de l'Accor Arena lors de la de la finale du Major Counter-Strike:GO, l’une des plus prestigieuses compétitions e-sport dans le jeu vidéo, le 21 mai 2023 à Paris-Bercy
Vue de la salle de l'Accor Arena lors de la de la finale du Major Counter-Strike:GO, l’une des plus prestigieuses compétitions e-sport dans le jeu vidéo, le 21 mai 2023 à Paris-Bercy © Christophe ARCHAMBAULT © 2019 AFP

Comme ZeratoR qui a basculé dans l’esport d’une manière nouvelle, Loupiote sait qu’elle doit, elle aussi, beaucoup au jeu dans son évolution personnelle et professionnelle. Mais avec un point plus négatif auquel elle reste confrontée malgré les efforts de Riots contre cela: la toxicité dans le jeu. "On fait encore face à des insultes sexistes, car la communauté Valorant est aussi très engagée sur les réseaux sociaux. Ce sont encore des épreuves dures à surmonter pour des femmes qui ont juste envie de passer un bon moment après leur journée", regrette-t-elle. "Il faudrait plus de mixité, peut-être imposer des quotas dans les équipes. Il y avait cette idée, elle a été abandonnée, mais elle reste pertinente pour faire évoluer la scène."

Une feuille de route possible pour Riot Games pour faire exister Valorant encore dans les cinq prochaines années et au-delà pour marcher un peu plus dans les pas de Counter-Strike, modèle de pérennité à suivre.

Melinda Davan-Soulas