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Polyamour, handicap... Comment "Les Sims" a su coller à l’évolution de la société

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Avec plus de 200 millions de jeux vendus, "Les Sims" est l’une des franchises les plus populaires de l’histoire. Un quart de siècle à suivre l’évolution technologique du jeu vidéo et celle de la société.

Une grande fête organisée dans le jardin, un gâteau empli de bougies et des gens qui festoient dans un langage incompréhensible alors que les voisins arrivent en nombre. C’est à peu près ce à quoi doit ressembler une partie de Sims chez Maxis ce 4 février.

Le studio et Electronic Arts, son éditeur, fêtent les 25 ans de leur franchise, l’une des plus populaires de l’histoire du jeu vidéo avec plus de 200 millions de titres écoulés, sans compter les multiples extensions et kits. Du haut de son quart de siècle, le jeu né dans l’esprit de Will Wright en a vécu des évolutions, technologiques comme sociétales. Et aucun autre jeu plus que lui ne les a autant adoptées et épousées, suivant aussi l’évolution de ses joueurs au fil du temps.

En 2000, Maxis sort Les Sims
En 2000, Maxis sort Les Sims © Electronic Arts

Pourtant, lorsqu’en 1989, Wright, créateur de SimCity, en a l’idée, c’est avant tout en imaginant que les joueurs veuillent aussi suivre le quotidien des habitants des villes qu’ils construisent à tour de bras sur leurs PC. Mais la légende veut que ce soit deux ans plus tard, alors qu’un incendie vient de ravager son habitation et tous ses biens, qu’il a l’idée quasi révolutionnaire: le jeu doit aussi proposer de créer sa maison, d’acheter des meubles et objets pour l’embellir. Lui qui n’aime pas le shopping ajoute l’idée à son carnet et cela changera tout.

Une révolution du jeu vidéo

Le jeu voit le jour le 4 février 2000. Le concept de simulateur de vie est novateur et va faire immédiatement mouche. Créer son Sim, lui définir sa personnalité, concevoir son logement et l’occuper au quotidien passionnent rapidement des millions de joueurs. Les Sims est addictif, intuitif dans son approche. Deux arguments qui séduisent les joueurs déjà installés et en attirent de nouveaux, notamment des joueuses. Maxis va ajouter de nombreuses options de jeu (gérer un commerce, aller à l’université, partir en vacances, améliorer ses relations…) et son titre devient un véritable phénomène de société.

Chacun se reconnaît en son Sim et fait son Sim tel qu’il rêverait d’être. Le passage à la 3D avec Les Sims 2 en 2004 accentue le phénomène. Les petits êtres virtuels ont un langage incompréhensible (le simlish) qui les rend encore plus internationaux, leurs caractères sont peaufinés et plus précis (aspirations, peurs, traits de caractère…). Mais ils peuvent surtout vieillir et avoir des enfants. La franchise reflète plus que jamais la société et les temps forts de la vie, ajoutant notamment l’arrivée des animaux, des soirées et des appartements pour proposer des environnements urbains.

Les Sims 2 sort en 2004
Les Sims 2 sort en 2004 © Electronic Arts

Les Sims 3 (2009), avec ses étapes de vie plus détaillées, puis Les Sims 4 (2014) - qui va tout révolutionner de fond en comble au niveau de la création du Sim, de ses émotions qui ont des répercussions sur leurs actions et interactions - vont accroître l’attrait pour le jeu. 

Les adolescents et jeunes adultes s’emparent du jeu qui les projette dans un monde idéalisé, débarrassé de nombreux problèmes (pas de violence, pas de meurtre, pas de guerre, des amis, de la fête, du travail sans chômage…). Certes, il faut gérer le quotidien et les besoins de son Sim, mais les interactions qui se complexifient font gagner le jeu en immersion. On se projette dans cette vie virtuelle qui reprend des thèmes universels (amour, famille, ambition, travail…). On vit une vie idéalisée, loin de ses problèmes personnels.

Des générations concernées qui se reconnaissent

En 2010, EA annonçait plus de 120 millions d’unités vendues. Disponible gratuitement depuis octobre 2022, le dernier opus en date affiche près de 80 millions de ventes. Les Sims ont popularisé le genre de la simulation de vie, collant plus que jamais à l’évolution technologique du jeu vidéo autant qu’à celle de la société avec un jeu accusé aussi de virer au "wokisme" outre-Atlantique. Désormais, les joueurs peuvent y vivre des relations du même sexe, polyamoureuses ou adultères, se revendiquer féministe, créer des personnages atteints de vitiligo, de handicap. Mais toujours dans un esprit pacifique — même si les Sims peuvent aussi être malveillants.

25 ans après, touchant des joueurs de 10 à plus de 40 ans qui ont suivi ses évolutions, Les Sims demeurent toujours aussi populaires. Un succès qu’ils doivent surtout à leur capacité à se renouveler et à toucher un public toujours plus large, de génération en génération. Bien plus qu’un jeu connu même de ceux qui n'y jouent pas, Les Sims sont devenus un élément de pop culture, une référence collective qui a permis à des millions de joueurs de s’interroger sur leur propre vie et leurs aspirations. Au point peut-être d'en changer parfois l'orientation.

Les Sims ont également une vie de lycéens.
Les Sims ont également une vie de lycéens. © EA

Reste à savoir comment la franchise peut encore se renouveler pour rester toujours aussi modernes. Il n’y aura pas de Sims 5, EA l'a affirmé. L'avenir semble donc se dessiner autour d’un hub et d’un jeu en multijoueur pour jouer enfin ensemble (Projet Renee). À moins que la concurrence, qui peine à se mettre en place depuis un quart de siècle, empêche Maxis de se reposer sur ses lauriers. Attendu pour le 28 mars en accès anticipé, Inzoi promet une révolution à même de bouleverser la hiérarchie. A condition de ne pas disparaître, comme Life by You, à quelques pas de la touche Lancement.

Melinda Davan-Soulas