Nervosité, multijoueur et tronçonneuse: comment Doom a révolutionné le FPS

John Carmack et John Romero. Deux noms qui résonnent dans l'histoire du jeu vidéo. Pourtant, ils furent quatre jeunes dans leur vingtaine, avec Adrian Carmack et Paul Hall, qui quittera vite le navire, à donner vie en 1993 à Doom, premier du nom, et à révolutionner le genre du jeu de tir à la première personne (FPS).
Mais les deux John restent à jamais les figures de proue d'Id Software et ceux qui ont profondément bouleversé l'industrie vidéoludique en créant une franchise de légende.
Quand ils ont l'idée de Doom, Wolfenstein existe pourtant déjà et a posé les bases du FPS dynamique, avec sa vue plus immersive. Le nouveau venu peaufine la recette et profite surtout d'un atout de taille: le moteur 3D id Tech conçu par John Carmack. Cela va lui permettre de redéfinir le genre en introduisant des environnements en 3D avec des textures variées, des hauteurs de zones différentes, une gestion dynamique de la lumière, de véritables avancées à l'époque. Le jeu s'offre des graphismes époustouflants, plus complexes, qui contribuent à rendre l'expérience plus marquée.
Doom se range derrière un héros tout en force, avec son gameplay nerveux et intense, ses actions frénétiques et une atmosphère oppressante. Le titre profite ainsi d'un rythme haletant plus immersif, là où les jeux de tir se montraient plutôt lents. Le "doom slayer" qui apparaît est fluide, gère ses armes et munitions et peut affronter des vagues d'ennemis sans broncher, le tout sur une musique survoltée qui va rapidement mettre le métal à l'honneur. Et puis les niveaux labyrinthiques, les zones secrètes à chercher, les énigmes en nombre font de Doom un jeu différent, complet dans des années 1990 de début de révolte, alors que Mario et Sonic sont les rois des consoles. Doom est l'antagoniste PC parfait.
Une révolution du FPS sur le fond et la forme
Et pour parfaire son image rebelle, Doom apporte son lot d'innovations au jeu vidéo. Le multijoueur se fait rare à l'époque, Doom se jette dans la bataille en permettant le jeu en local à plusieurs, en réseau. Il va être le premier jeu à pousser vraiment à la compétition avec ses "Doomers", ses nouveaux adeptes. Il sera aussi proposé en shareware et beaucoup de joueurs découvrent ainsi le titre en accédant gratuitement au premier épisode avant d'acheter les suivants. Une idée qui contribue au succès rapide du jeu aux États-Unis - où son lancement a pourtant fait crasher les serveurs le jour J - et qui sera reprise par la suite par d'autres éditeurs de jeux et de logiciels.
Mais Doom ne donne pas que des idées que commerciales. Son influence va aller grandissante dans l'univers du FPS. Il va en renouveler les codes pour devenir la référence du genre, en design aussi avec son choix de mise en scène de la violence visuelle assumée, l'ambiance horrifique et sa nervosité de jeu rapide. En prime, il marque les débuts du modding de niveaux. On commence alors à parler de "Doom-like" pour les jeux qui s'en inspirent.

Id Software prête même son moteur à d'autres développeurs qui vont donner naissance à Duke Nukem, Quake ou encore GoldenEye. Des jeux comme Half-Life, Quake, plus tard Half-Life, Halo ou Call of Duty, lui doivent beaucoup de leur succès. Il sera aussi, avec Mortal Kombat, à l'origine de la création aux États-Unis de la classification ESRB des jeux vidéo (selon les âges, équivalent du PEGI) pour endiguer sa violence qui marque alors les esprits.
Avec son héros solitaire, id Software a créé un univers gothique, sombre tendance sataniste, un style de jeu musclé (avec un très large éventail d'armes improbables allant jusqu'à la tronçonneuse), et des marqueurs forts. Doom et Doom II (1994) ont posé les fondations d'une franchise qui basculera tantôt vers l'horreur avec plus de narration (Doom 3 - 2004) avant un reboot en 2016 (Doom) qui revient alors à un gameplay ultra-rapide, dynamique et sanglant pour un doom slayer un peu mieux encadré. Doom Eternal (2020) bouscule les habitudes des joueurs et trouve un nouveau public qui lui permet de renouer avec son succès d'antan.
Doom: The Dark Ages : le retour aux sources
Doom: The Dark Ages, qui est arrivé sur consoles et PC ce 15 mai, vient se positionner en préquelle de Doom (2016) et de son successeur. id Software a d'ailleurs opté pour un univers d'inspiration médiévale et retrouvé ses racines en faisant de son héros - dont on découvre l'origine - une force brute, le tout dans une approche plus stratégique, mais sans concession sur la violence et la nervosité caractéristiques de la série. Même si elles paraîtront moins exacerbées que par le passé et le côté gore moins prégnant.
Mais ce Doom: The Dark Ages, non content de revisiter un peu plus la recette pour retrouver ses fondamentaux. Le jeu perd un peu en verticalité, mais gagne en polyvalence dans le style de combat (au sol en mêlée ou arme à la main avec désormais un bouclier-tronçonneuse, dans un mécha géant pour terrasser une ville, à dos de dragon mécanique en plein vol pour fuir ou attaquer des vaisseaux, dans des véhicules, etc.).
Le héros est devenu plus massif et impactant, déterminé et plus puissant aussi. Mais avec ses grandes zones ouvertes à arpenter, il enjoint aussi à réfléchir ses approches de manière plus posée et à réfléchir à son entrée dans le combat. Et ce nouveau Doom est aussi d'une beauté graphique absolue, avec ses ruines de château, ses zones dévastées, ses villes ou grottes.
Les multiples ennemis ne vous arrêteront pas comme ça une fois lancé, notamment grâce aux multiples artefacts et atouts pour renforcer votre tenue que vous allez pouvoir glaner (notamment le puissant poing de combat). Cela faisait longtemps qu'un Doom ne nous avait pas semblé apte à séduire le plus grand nombre. Même s'il fait l'impasse sur un mode multijoueur au lancement, The Dark Ages renoue avec ses origines sans rien perdre de son aura ni de son talent destructeur (de manette aussi pour les plus nerveux). De quoi faire encore des ravages et se rappeler au bon souvenir de beaucoup de joueurs.