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Des bornes santé connectées, un médecin 2.0 pour sauver les déserts médicaux

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Pour pallier les manques de médecins et de suivi de soins dans certaines zones de France, des plateformes de téléconsultation médicale connectées et reliées à un praticien apparaissent désormais dans des pharmacies, mais aussi certaines mairies.

La technologie peut aussi venir en aide quand les services se font absents. La téléconsultation a connu un véritable boom de son déploiement post-confinement. Mais elle sert aussi aux médecins, infirmiers, spécialistes et autres à multiplier la patientèle et à compenser les manques dans certaines régions de France. Ajoutez à cela la multiplication d’objets connectés qui permettent d’avoir un premier avis (non médical), que ce soit pour sa fréquence cardiaque, sa température, son taux d’oxygénation dans le sang ou de stress. Bienvenue à l’ère de la médecine 2.0.

Fondée en 2017, Medadom a eu l’idée d’une plateforme de téléconsultation médicale qui serait équipée d’appareils de santé pour aider au diagnostic. "Depuis 2020 et le confinement, on est passé de 100.000 à 30 millions de téléconsultations par an", explique-t-on du côté de l’entreprise. Celle-ci a ainsi conçu trois types de machines pour répondre à la demande, mais aussi en fonction des espaces disponibles. Medadom propose une borne sur roulettes, une cabine ou en format plus compact autour d’une console à poser sur une table.

Eviter "l'ubérisation" des médecins

Tout commence par un questionnaire à remplir (motif de consultation, poids, taille, antécédent, etc.), puis un médecin prend la téléconsultation et peut s’appuyer sur la borne Medadom. Car chaque support embarque ainsi de nombreux dispositifs médicaux (un thermomètre, un stéthoscope, un otoscope, un oxymètre, un tensiomètre et un dermatoscope). Le médecin en téléconsultation va aider le patient à réaliser les examens en le guidant. Il obtiendra ainsi les résultats instantanément.

La plateforme Medadom comporte de nombreux appareils médicaux
La plateforme Medadom comporte de nombreux appareils médicaux © Tech&Co

En cas de paramètres anormaux, les valeurs apparaissent en rouge et le médecin à distance sait qu’il peut demander une vérification du bon usage à une personne à proximité (pharmacien, personnel de mairie, etc.). C’est cette personne qui sera aussi référente pour s’assurer du bon usage et du nettoyage après la consultation.

Medadom s’appuie aussi sur une application mobile et un site web pour réaliser des téléconsultations, mais sans les appareils. De quoi réaliser aussi des bilans avec les médecins salariés de l’entreprise. "Les praticiens sont tous rattachés à Medadom, car on veut éviter 'l’ubérisation' de la médecine et on veut surtout toujours qu’il y ait un roulement de médecins disponibles", ajoute un responsable, soulignant que le service est disponible dans l’Hexagone, mais aussi dans les Dom-Tom et qu’il faut donc gérer plusieurs fuseaux horaires.

Car bien qu'agréé par le ministère de la Santé comme ses sociétés de téléconsultations concurrentes (Livi, Tessan Med, Medaviz et Qare), Medadom ne fonctionne pas comme Doctolib. Si vous prenez rendez-vous via la borne, la cabine plus confidentielle ou la console, le praticien face à vous peut être situé n’importe où en France (il est tout d’abord choisi à proximité si disponible). Il faut néanmoins patienter par moment, mais Medadom s’engage à une prise en charge en moins de 45 minutes.

Le médecin en téléconsultation est alerté des problèmes de santé potentiels, des arrêts de travail fréquents enregistrés dans le dossier patient "pour éviter les excès de la téléconsultation". En cas de symptômes graves repérés, en plus de la feuille de soins, une lettre de demande d’examens supplémentaires peut être générée. Il est alors possible de l’imprimer en pharmacie ou mairie.

L'application Medadom
L'application Medadom © Medadom

Celle-ci entre cependant dans le parcours santé. Vous introduisez votre carte vitale en début de processus et vos informations habituelles sont partagées. Conventionné secteur 1, la téléconsultation est facturée 25 euros avec 7,50 euros de reste à charge (remboursable par la mutuelle). Seuls les dépassements d'honoraires classiques (heures de soirée ou de nuit, jour férié, dimanche...) sont majorés. L’accès n’est pas autorisé pour des enfants de moins de trois ans ou des mineurs de moins de 16 ans non accompagnés.

Des bornes dans les pharmacies, les mairies et désormais chez les opticiens

On estime que d’ici 2027, plus de 27 millions de personnes vivront dans des déserts médicaux. Les services de téléconsultation peuvent être une alternative intéressante pour les cas d'urgence, mais ne peuvent remplacer un médecin référent. Vous n'avez en effet que très peu de chance de retrouver le même praticien en cas de rendez-vous différents.

"On essaie d’aller s’implanter là où il n’y a parfois même plus de pharmacies, dans les mairies des déserts médicaux", explique la société qui compte quelque 5.000 bornes sur le territoire. "Les mairies peuvent proposer ce genre de choses pour que leurs concitoyens accèdent à des soins. Ça fait aussi venir des gens dans les endroits où on est installé."

Pour les médecins salariés, il y a aussi un avantage d’organisation. Ils ont une liste de patients en attente, les pathologies préremplies et toutes les données nécessaires en amont de la téléconsultation pour être plus efficaces. Un gain de temps pour tout le monde.

Borne Medadom
Borne Medadom © Tech&Co

Difficile de connaître le coût pour une municipalité ou un pharmacien lors de l’installation de la plateforme physique dans ses locaux, ou encore les frais d’entretien à prévoir chaque mois, Medadom reste mystérieux sur ce point. Mais l’entreprise se félicite de la généralisation de ses appareils de téléconsultation qui ont de plus reçu l’agrément du ministère de la Santé (tout comme les plateformes de ses concurrents). Les opticiens commencent aussi à s’y intéresser et des télécabines dédiées apparaissent dans plusieurs enseignes d’Optic 2000, Krys, Alain Afflelou ou encore des magasins indépendants.

L’objectif annoncé est d’ailleurs d’équiper en complément jusqu’à 1.000 opticiens d’ici 2026. De quoi répondre aux délais à rallonge des consultations chez des ophtalmologistes avec quelque 400 orthoptistes et ophtalmologistes engagés dans les prochains mois.

Ces installations doivent permettre de répondre rapidement aux demandes de renouvellement de lunettes et lentilles, mais aussi au dépistage de troubles visuels. On estime en France qu’il faut deux mois en moyenne pour un rendez-vous, un taux encore plus élevé dans les déserts médicaux. La téléconsultation peut être une solution pour certaines spécialités aussi, même si l'Assurance maladie comme les plateformes estimaient en 2024 que la pratique concerne beaucoup de patients en milieu urbain, presque plus que les ruraux.

Melinda Davan-Soulas