Comment fonctionnent les nouvelles caméras-piétons, qui doivent équiper les forces de l'ordre?

Une "camera-piéton" équipe le ceinturon sur un agent de police. - Fred Dufour - AFP
Le projet de généralisation des caméras-piétons à tous les policiers, annoncé par Emmanuel Macron le 14 juillet 2020, se concrétise: depuis ce 1er juillet, quelque 2.000 policiers et gendarmes sont équipés de nouvelles caméras embarquées. La pratique, qui avait timidement été amorcée depuis quelques années, s’est concrétisée par une commande de 30.000 caméras-piétons ayant vocation à équiper policiers et gendarmes.
"Apaiser des relations conflictuelles"
Le sujet des caméras au service des forces de l’ordre n'est pas nouveau au ministère de l’Intérieur. Jusque-là, 10.000 caméras de fabrication chinoise étaient en service. Mais elles présentaient de nombreux défauts: trop peu d’autonomie, trop lourde, ou encore un déclenchement irrégulier.
Le projet de loi sécurité globale, adopté le 15 avril 2021 par le gouvernement, a réformé cet usage visant à "apaiser des relations conflictuelles et limiter les débordements éventuels", comme le précise un communiqué du ministère de l’intérieur publié le jeudi 1er juillet.
Tous les agents équipés d'ici 2023
Les nouvelles caméras qui équipent les forces de l’ordre ont été livrées par l'entreprise Motorola, qui a remporté l’appel d’offres en avril 2021. Pour un total de 15 millions d’euros, le gouvernement s’est procuré 30.000 caméras de modèle VB400. Soit 500 euros par appareil.
D’ici à la fin de l’année, 30.000 patrouilles de police et de gendarmerie devraient être équipées, à parts égales. Mais le déploiement pour l'ensemble des agents ne sera effectif que "courant 2022 ou 2023", selon un porte-parole du Service d'information et de communication de la police (SICoP), contacté par BFMTV.
"Notre but est de les rendre opérationnelles techniquement, de les déployer, et ensuite d’en équiper individuellement tout le monde" explique le SICoP.
Meilleures performances
Les caméras qui équipaient précédemment les forces de l'ordre ont été produites par l'entreprise Hikvision, qui appartient à 40% à l'état chinois. L'entreprise est, de surcroît, soupçonnée d'avoir apporté à la Chine la technologie de reconnaissance faciale utilisée pour identifier et persécuter la population ouïghoure. Hikvision a aussi été bannie en 2018 par les Etats-Unis sur fond de craintes d'espionnages.
Au delà de ces problèmes éthiques et de sécurité, les caméras produites par Motorola semblent apporter un véritable atout sur le plan technique.
L'un des défauts particulièrement mis en avant par les forces de l’ordre dans le précédent modèle était l’autonomie. Ces nouvelles caméras peuvent fonctionner douze heures de suite contre "une à deux heures" pour les modèles Hikvision, selon le porte-parole du SICoP. Leur poids de 130 grammes et leur système d'attache sont également optimisés.
Selon la fiche du produit, la vidéo peut être enregistrée et stockée (sur un espace de 64 Go) au format HD. La caméra peut également diffuser des images en temps réel, par exemple vers un poste de commandement, dans une définition bien plus modeste (640x360 pixels), à condition d'être connectée à un réseau Wi-Fi. Un critère non-négligeable, cet usage étant explicitement prévu par la loi sécurité globale.
"Les images captées et enregistrées au moyen de caméras individuelles peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné et aux personnels impliqués dans la conduite et l'exécution de l'intervention" précise ainsi le texte.
"Pas d'intervention humaine" sur les images
L’épineuse question de l’exploitation des images a par ailleurs fait débat à l’Assemblée. En définitive, l’article 21 de la loi sécurité globale n’autorise pas la diffusion de ces images dans un but "d’information du public". Concernant la sécurisation des données, les autorités se veulent rassurantes.
"Aucune intervention humaine n’est prévue lors du transfert des images. Les caméras sont déposées sur des bornes de téléchargement et envoient directement les séquences sur les serveurs de la police et de la gendarmerie nationale" précise le SICoP à BFMTV, qui refuse toutefois d'évoquer la nature du prestataire retenu pour stocker les données durant six mois, durée légale de leur conservation.
A terme, lorsque tous les membres des forces de l’ordre seront équipés, "les agents pourront visionner les images eux-mêmes" sans toutefois être en possibilité de les extraire. Dans le même temps, "le centre d’information et de commandement pourra visionner les vidéos en direct lorsqu’elles sont filmées" ajoute le SICoP.
Toujours dans ce cadre, aucune réclamation d'image ne pourra être faite par les civils. Les séquences ont vocation à être utilisées en cas de procédure judiciare, mais aussi par l'IGPN, en cas d'enquête sur d'éventuelles irrégularités de la part des policiers ou gendarmes.