Il pense pouvoir "réduire le crime à zéro" en équipant les maisons: comment Jamie Siminoff a fait de Ring le géant de la sécurité connectée

Jamie Siminoff est un inventeur. C’est ainsi qu’il se définit avant même de clamer son titre de PDG de Ring, l’entreprise qu’il a créée au début des années 2010 pour "protéger son quartier et rassurer sa femme", mais surtout entendre sa sonnette depuis son garage de Los Angeles où il travaillait.
"Je ratais mes livraisons. J’ai cherché une sonnette connectée qui enverrait la notification sur mon iPhone. Et comme elle n’existait pas, je l’ai fabriquée moi-même", nous résume simplement Jamie Siminoff. Cet inventeur autodidacte planche alors sur un prototype qu’il nomme Doorbot, un robot de porte bricolé avec des composants wifi achetés en magasin. C’est son épouse qui va lui faire comprendre la valeur de ce qu’il a conçu.
"Elle m’a dit: ‘ça me fait me sentir plus en sécurité à la maison’. C’est là que j’ai compris que ce n’était pas une sonnette, mais une solution pour rendre les quartiers plus sûrs', ajoute-t-il.
Du portier robot à l’anneau de sécurité
Sûr de son fait et de son invention, mais aussi de sa mission de sécurisation, il présente son projet dans l’émission américaine Shark Tank (adaptée en France sous le nom de Qui veut être mon investisseur?) et c’est la douche froide. Les investisseurs en plateau ne sont pas convaincus du potentiel du produit. En revanche, sur internet, l’intérêt va grandissant et c’est là que va naître le succès.

Le problème vient surtout du nom "trop technique et trop froid", reconnaît son créateur. "Je parlais sans arrêt de créer un 'ring of security' (anneau de sécurité en français). Un ami m’a dit d’appeler ça juste Ring et c’est resté. C’est simple, universel et ça collait bien à la maison." Avec un nouveau nom plus impactant et une sonnette connectée qui touche son public, la marque de domotique décolle. Rapidement, des centaines de milliers d’unités sont vendues et le concept fait mouche: penser un produit pour protéger sa maison, mais aussi la communauté avec ces appareils de sécurité.
"Ring n’a jamais été juste une entreprise de caméras. Notre idée, depuis le premier jour, c’est de construire autour de la communauté. Pas juste un produit, mais un écosystème", explique Jamie Siminoff. Aujourd’hui, Ring compte des caméras de surveillance, des sonnettes vidéo, des alarmes, etc., et continue de voir avant tout en ses clients "des voisins" qui pourraient avoir besoin d’aide. "Le succès du nom et du produit vient du fait qu’ils collent à ce qu’on fait et à notre mission: rendre les quartiers plus sûrs", lâche-t-il. C’est sans doute ce qui va susciter l’intérêt d’Amazon qui, en 2018, déboursera plus d’un milliard de dollars pour racheter Ring. Il en restera le PDG jusqu’en 2023 et l’envie de faire un break.
L'IA, l'élément déclencheur et la "nouvelle révolution"
De retour chez Ring depuis le printemps 2025, Siminoff dit retrouver la ferveur et l’excitation des débuts. "J’étais épuisé, j’avais besoin de souffler", reconnaît le désormais "Inventeur en chef" de Ring. "Puis l’intelligence artificielle est arrivée, et j’ai compris qu’on entrait dans une nouvelle ère. J’ai eu l’impression de revenir dans mon garage, au tout début.”
Pour lui, l’arrivée de l’IA dans la maison est une "révolution comparable à l’électricité". "Dire qu’il y a trop d’IA, c’est comme si on avait dit: ‘Avons-nous vraiment besoin d’électricité dans les réfrigérateurs ?’ Tout doit être repensé à partir de l’IA", clame-t-il. Et de l’IA, il y en a dans les nouveaux produits dévoilés début octobre par Amazon et Ring, notamment avec la nouvelle fonction "Search Party" qui aide à retrouver les animaux perdus en s’appuyant sur les caméras Ring du quartier et de la communauté.
“J’adore mon chien, presque trop", reconnaît-il en riant. "Pouvoir utiliser la technologie pour ramener les animaux à la maison, c’est spécial. Et c’est aussi une première étape: on va apprendre, progresser, et demain, ce sera utile à d’autres causes.”
Et dans la vision désormais à l’IA de Jamie Siminoff, il y a bien évidemment la sécurité des quartiers qui peut être renforcée. Depuis plusieurs années, Ring teste aux États-Unis de multiples usages autour de ses caméras avec notamment l’application Neighbors, qui permet aux résidents et à la police de partager des alertes en temps réel avec des messages, vidéos ou photos prises par les appareils des maisons.
L’entreprise avait aussi noué des partenariats avec des milliers d’agences de police et services d’incendie qui avaient équipé des riverains en caméras en échange d’un accès à leurs contenus lors d’enquêtes, et mis aussi en place un programme nommé "Community Requests" permettant à la police de demander aux citoyens de fournir des vidéos en cas d’incident. Tout n’avait pas toujours été accueilli avec enthousiasme, certaines pratiques suscitant notamment des interrogations sur le respect de la vie privée et la discrimination raciale. Amazon avait finalement décidé de faire machine arrière.
Faire tout pour que les enfants grandissent dans des lieux sûrs
Mais Ring assure que ces dispositifs ont permis de réduire les cambriolages dans les zones concernées et de résoudre davantage d’enquêtes. "Si un jour, un certain pourcentage de foyers dans un quartier utilise nos outils, je pense qu’on peut réduire le crime à zéro. Et si on le fait dans un quartier, on peut le faire dans le suivant. C’est une mission infinie, mais une belle mission", prophétise Jamie Siminoff.
Mais il se défend de créer pour surveiller. “Notre mission n’a jamais changé: aider les gens à se sentir en sécurité, ensemble. Nous créons pour protéger, pas surveiller", martèle l’Américain. "Si les gens ne nous font pas confiance, on ne pourra rien construire." Cela reste valable aussi avec l’utilisation de l’IA qui doit être "transparente et donner le contrôle aux utilisateurs" pour être crédible.

Une vision mêlant technologie, communauté et confiance, qui continue de l’animer et d’animer Ring avec ses dizaines de millions d’appareils dans les foyers du monde. Et un rêve qui continue de le porter: avoir des quartiers 100% sûrs. “Je veux que les enfants grandissent dans des endroits plus sûrs. Parce que des quartiers plus sûrs, ça donne des sociétés meilleures", confie-t-il. "Si on y arrive, Ring aura vraiment changé le monde.”