TOUT COMPRENDRE - Pourquoi des députés veulent interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans?

Un texte déposé par Laurent Marcangeli, le président du groupe Horizons à l'Assemblée nationale, vise à interdire l’accès aux réseaux sociaux au moins de 15 ans. La proposition de loi, enregistrée le 17 janvier dernier, s’inscrit dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Horizons, faisant partie de la majorité parlementaire, et sera examinée à l'Assemblée nationale le 2 mars.
• Pourquoi ce texte?
A travers cette proposition de loi, les députés du groupe et apparentés veulent s’attaquer aux risques "psychosociaux" que présentent les réseaux sociaux, mais aussi au cyberharcèlement des adolescents: selon la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO), un collégien sur quatre a été confronté au moins une fois à des situations relevant de cyberharcèlement.
Pour l'heure, il n'existe aucune étude française sur l'usage des réseaux et les troubles mentaux. La proposition de loi demande notamment au gouvernement de lancer un rapport à ce sujet. Le texte établit qu’il est "nécessaire d’étoffer notre arsenal juridique pour accélérer considérablement le travail des enquêteurs dans le cadre des plaintes déposées pour les cyberdélits".
• Qu'est-ce que cela pourrait changer?
La majorité numérique pour les réseaux sociaux est actuellement de 13 ans, c’est également l’âge fixé en théorie par les plateformes, comme TikTok et Snapchat pour s’inscrire. Sauf que cette règle n’est que symbolique, puisqu’en 2022, 62 % des moins de 13 ans possédaient un compte sur au moins un réseau social, selon l'association Génération Numérique.
La Loi Informatique et Libertés en matière de consentement aux traitements de données à caractère personnel, entrée en vigueur en 2019, a déjà réhaussé la majorité numérique à 15 ans. Le texte prévoit donc de l'étendre aux réseaux sociaux.
• Quelle responsabilité pour les plateformes?
Pour y parvenir, la proposition de loi compte sur les opérateurs des réseaux sociaux pour imposer cet âge et restreindre l'accès à leur plateforme. Ainsi, le texte indique que les réseaux sociaux "sont légalement tenus de faire obstacle à l’inscription à leurs services par des mineurs de moins de quinze ans". En revanche il est possible qu'un adolescent de moins 15 ans puisse s'inscrire, si le consentement de l’un des titulaires de l’autorité parentale est présenté de manière explicite.
Concernant les réquisitions judiciaires, il est prévu que la plateforme soit punie d’une amende à hauteur de 1% de son chiffre d’affaires, en cas d’absence de réponse dans les 48h.
• Pourquoi cela va être techniquement compliqué?
Rien dans la proposition de loi ne mentionne la partie technique de la vérification de l'âge. Tout comme l’instauration de contrôle pour accéder à des sites pornographiques, mettre en place de telles règles semble techniquement compliqué. Si un système similaire est appliqué, la solution pourrait s'appuyer sur "un tiers de confiance". La vérification de l'âge passerait par une entreprise privée qui permettrait de communiquer des documents pour prouver son âge.
La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a pourtant déjà alerté en 2022 sur une tel système, s'inquiétant des bases de données que posséderaient ces entreprises tierces. Surtout, la mise en place de la vérification repose à la fois sur les plateformes qui doivent jouer le jeu du partenariat et la création d'une vérification dédiée uniquement aux utilisateurs français.
A cela, il faut ajouter que les plateformes pourraient voir d'un mauvais oeil cette nouvelle instauration. Si la majorité numérique des réseaux sociaux passe à 15 ans, des plateformes comme TikTok perdrait une grande part de leur audience.