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"Leur modèle économique ne fonctionne plus": pourquoi Bali est devenu le nouveau paradis des influenceurs

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Ces derniers mois, de plus en plus d'influenceurs issus de la télé-réalité quittent Dubaï pour Bali. Un déménagement, souvent contraint par la crise du secteur et une flambée des prix des loyers, qui peut rapporter gros.

"Pourquoi on a choisi Bali?", lance, sourire aux lèvres, l'influenceuse Hillary Vanderosieren, ancienne candidate des Ch'tis, dans une vidéo Tiktok partagée fin février dernier.

C'est désormais officiel: la jeune femme, mère de deux enfants, et son mari Giovanni Bonamy quittent leur villa de 600 m2 à Dubaï. Direction les plages idylliques et le yoga à Bali, dans l'archipel indonésien.

Adieu le bling-bling, bonjour le yoga

"On avait ce besoin de quitter Dubaï (...) Tout était parfait, mais pourquoi ne pas prendre des risques?", s'interroge Giovanni. "Et puis, Bali c'est assez en vogue. on a beaucoup d'amis qui sont sur place", complète le mannequin.

Effectivement, le couple star des réseaux sociaux, suivi par plus de 2,5 millions d'abonnés en cumulé sur Instagram, est loin d'être une exception. Vincent Queijo, Marwa Merazka, Rym Renom, Anthony Mateo ou encore Raphaël Pépin: une dizaine de vidéastes ont fait leur valise pour quitter Dubaï. Direction l'Indonésie.

Sur Instagram et Tiktok, les tenues bling-bling, les immenses centres commerciaux et le Burj Khalifa ont ainsi laissé place à la nature, aux séances de yoga spirituelles et aux plages de sable fin. Ainsi, l'influenceuse Rym Renom, suivie par 1,8 million d'abonnés, a troqué ses robes de soirée pour des maillots de bain et des tenues de sport. Vincent Queijo (1,4 million d'abonnés) multiplie les photos en peignoir, devant la nature luxuriante. "Zéro stress, 1.000 palmiers", écrit-il simplement sur Instagram.

Un changement radical qui questionne certains internautes. "Les caisses sont vides tout simplement", lance un internaute. "L'argent, dites-le. Le budget d'un mois à Dubaï, c'est six mois à Bali", ajoute un autre. "Les influvoleurs, ça marche plus surtout", grince un dernier.

La fin d'un paradis fiscal

Autant de commentaires, rapidement réfutés par les stars du petit écran. "Beaucoup de gens nous ont dit qu'on partait à Bali car on n'avait plus d'argent (...) Hillary a toujours très bien géré son argent. On part à Bali car on a simplement envie d'y aller", se défend de son côté le couple, dans une vidéo Tiktok.

Pourtant, ces déménagements soudains n'ont rien d'un hasard ou d'une "simple envie". Depuis quelques années, les paillettes sont retombées. La loi pour réguler le secteur des influenceurs en France a signé la fin de l'époque faste des partenariats. Les collaborations ne font plus vendre et les annonceurs revoient les rémunérations à la baisse.

"Bon nombre d’influenceurs ne sont même plus en agence, donc ils n’ont plus de salaire fixe tous les mois", affirme à Ouest France Audrey Chippaux, auteure du livre Derrière le filtre, enquête sur le système de l’influence. Dans une vidéo Youtube, Julia Paredes précise gagner 5.000 euros par mois... soit huit fois moins qu'à la grande époque des influenceurs.

Pire, le paradis fiscal qu'était Dubaï n'est plus aussi accueillant pour les influenceurs. Pour Stéphanie Laporte, directrice de l'agence social media Otta, tout a commencé en 2023. "Le pays a légiféré en faveur de la fin de l'exonération d'impôts sur certaines sociétés", observe l'experte.

"Leur modèle économique ne fonctionne plus"

S'ajoute à cela le coût de la vie, particulièrement élevé aux Emirats. Et ça ne va pas en s'arrangeant. Depuis 2022, le pays connaît une flambée de l'immobilier, alimentée par l'afflux de riches investisseurs. Résultat, les loyers se sont envolés. Ils ont progressé de 22%.

"Les calculs ne sont plus bons", observe Stéphanie Laporte. "A Dubaï, les logements sont devenus chers, et le coût des loisirs et de la nourriture est très élevé. Le modèle économique des influenceurs ne fonctionne plus."

Dans une interview avec Jeremstar, Olivia Kugel s'est confiée sur les difficultés de vivre à Dubaï. "C'est se tirer une balle dans le pied. On n’est plus dans l’algorithme français, on a un décalage avec la France. Il ne fait jamais froid, donc on ne peut pas mettre de manteau, les gens ne s’identifient plus", lance-t-elle, désabusée.

Face aux multiples crises du secteur, les influenceurs sont donc obligés de se réinventer. "Ils sont partis à Bali pour limiter les pots cassés", note Stéphanie Laporte. "Il a donc fallu trouver une déstination avec un bon rapport coût/qualité de vie. L'archipel cochait donc tous les critères." Car, si Bali n'est pas un paradis fiscal, le coût de la vie y est moins cher. Et surtout, la destination, très instagrammable, fait rêver bon nombre d'internautes.

Redorer leur image

Ce changement de décor permet ainsi à ces vidéastes issus de la téléréalité de toucher une nouvelle audience, et de se débarrasser de cette étiquette d'influvoleurs bling-bling qui leur colle à la peau. "A Bali, les influenceurs peuvent miser sur des contenus plus naturels et un style de vie 'clean' plus en phase avec les attentes des internautes", complète Stéphanie Laporte.

"Ca fait des mois que je n'étais pas satisfaite de mon contenu. Là, je reprend goût, je suis très contente", lance de son côté Marwa Merazka dans sa story, entre un brunch et une séance de pilate au milieu des palmiers.

Un moyen de redorer leur image, donc, et surtout, de faire du business. Au total, le hashtag #Balilife cumule pas moins d'un milliard de vues, rien que sur Tiktok. De son côté, Rym Renom, qui vient de s'installer à Bali, s'est ainsi lancée dans l’animation de retraites spirituelles exclusivement dédiées aux femmes. Le compte de Respira, dédié autour des retraites, cumule ainsi 19.000 abonnés sur Instagram.

Reste à savoir si l'exode va durer dans le temps. De son côté, Stéphanie Laporte émet quelques réserves. "Ce n'est pas une installation durable. Si le vent tourne, ils partiront vers une autre destination plus rentable et toujours idyllique", conclut-elle.

Salomé Ferraris