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Un réseau de passeurs entre Marseille, Perpignan et l'Espagne démantelé

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19 personnes, suspectées d'appartenir à un réseau de passeurs de migrants, ont été interpellées en début de semaine, indique Nicolas Bessone, procureur de la République de Marseille, ce vendredi 21 mars.

Un démantèlement "assez rare". 19 individus ont été interpellés dans le cadre d'une enquête sur des réseaux de passeurs de migrants, a indiqué Nicolas Bessone, procureur de la République de Marseille, lors d'une conférence de presse ce vendredi 21 mars.

"On a démantelé l'intégralité de la structure", a souligné Laurène Capelle, cheffe du service interdépartemental de la police aux frontières. Cette dernière a souligné une coopération franco-espagnole "décisive" et "fructueuse" dans le cadre de ce trafic de migrants dans lequel trois filières de passeurs ont été découverts.

Deux têtes de réseaux interpellées

Parmi les personnes interpellées, deux individus sont suspectés d'être à la tête de deux filières de passeurs distincts qui ont été actifs entre 2022 et 2024. L'un, âgé de 41 ans et arrêté à Perpignan, par voie terrestre, l'autre, âgé de 23 ans et arrêté à Marseille, par voie maritime. Aucun lien familial n'a été établi entre les deux hommes.

Pour le premier, le trafic a débuté en novembre 2022. De nombreux voyages depuis Marseille vers les pays frontaliers ont été recensés. "Une économie de marché sordide" dans laquelle "ils n'hésitaient pas à faire traverser clandestinement les frontières à des personnes originaires du Maghreb et d'Afrique subsaharienne", précise Nicolas Bessonne.

Une information judiciaire a été ouverte le 8 février 2024. Un magistrat instructeur marseillais a été saisi pour des faits d'aides à l'entrée, à la circulation et au séjour irrégulier en bande organisée et de traite d'êtres humains.

La prise en charge des migrants se faisait en Catalogne, ils étaient ensuite conduits jusqu'à la gare de Perpignan. "On a vu des convois qui sont allés jusqu'à Toulouse, Narbonne, Montpellier et assez régulièrement Marseille."

"Un nombre considérable de personnes" impliqué

Le procureur de la République de Marseille s'est étendu sur les moyens déployés par le réseau de passeurs, où des rabatteurs "récupéraient des migrants du côté espagnol". Des pilotes de voitures ouvreuses s'assuraient "qu'il n'y a pas de contrôles de police", des passeurs "qui connaissaient particulièrement les petites routes de montagne des Pyrénées" et des logeurs sur place.

"On avait des personnes assez actives de jour et de nuit, ça portait sur un nombre considérable de personnes." À Perpignan, un employé d'un hôtel a fait l'objet d'une interpellation et d'un déferrement pour avoir permis l'hébergement de ces migrants clandestins.

330 passages ont été dénombrés entre mai 2023 et août 2024 pour une estimation de 1.700 migrants, indique la police aux frontières. Un chiffre qui "démontre l'ampleur de la pénétration par ces réseaux de migrants en situation irrégulière".

Le coût pour ces passages est estimé à 150 à 300 euros, indique Nicolas Bessone. "Une véritable économie de marché illégale", décrypte-t-il, "avec une très forte concurrence entre les réseaux de passeurs."

Une scission dans l'un des réseaux

Ce réseau va justement connaître une scission. À Marseille, un complice du réseau du principal protagoniste va "prendre son envol" à partir de mai 2024. "Il va prendre son autonomie et mettre en place sa propre filière." Ce dernier va mettre en place un trafic par voie maritime depuis le port d'attache de Mostaganem en Algérie, à l'aide d'un semi-rigide "avec un moteur très puissant", vers Murcie, à la frontière espagnole.

"On sent qu'on monte dans l'échelle de la criminalité avec la nécessité pour eux de se référer à des sachants de réseaux internationaux qui sont aguerris", note Laurène Capelle.

Dans le cadre des investigations, les enquêteurs vont découvrir qu'un passage coûtait 9.000 euros tandis que le pilote était rémunéré 17.000 euros par passage. Lors des audtions, un des mis en cause va pointer du doigt la "corruption de la marine algérienne" pour permettre ces traversées.

Une première enquête ouverte en 2022

Une première enquête avait déjà été ouverte par le parquet de Marseille le 17 janvier 2022 pour des faits d'aides à l'entrée, à la circulation et au séjour irrégulier en bande organisée. Un délit puni de 10 ans d'emprisonnement.

Ce même jour, deux ressortissants français avaient été interpellés en Allemagne, alors qu'ils convoyaient individus de nationalité syrienne à bord d'un véhicule. Les deux mis en cause sont suspectés d'avoir réalisé de nombreux allers-retours à la frontière allemande, italienne et au Perthus à la frontière espagnole.

En novembre 2023, l'Oltim avait bénéficié d'un renseignement en provenance d'Europol. "Les investigations vont mettre en exergue un double trafic", souligne Nicolas Bessone. Deux équipes sont recensées. L'une effectuant "de nombreux voyages" depuis Marseille vers l'Espagne, la Belgique, l'Italie ou Malte avec des passages "suspects" dans la soirée. Cette première équipe a cessé son activité en fin 2022. Dans la vague d'interpellations, un homme, "qui était à la tête de cette organisation", a néanmoins été déféré et mis en examen, ce jeudi 20 mars.

Des mis en cause espagnols extradés vers la France

Au total, six personnes interpellées à Marseille ont été déférées ce jeudi 20 mars, trois d'entre eux ont été placés en détention provisoire, une mesure de contrôle judiciaire a été décidée pour les trois autres. Quatre personnes ont été interpellées à Perpignan et vont être déférées ce samedi et seront mises en examen.

Le parquet "prendra des réquisitions de placement en détention provisoire" indique Nicolas Bessone. Cinq mandats d'arrêt ont été adressés à l'encontre des personnes arrêtées en Espagne. Ils seront transférés en France "dans un délai maximum de 10 jours" et leurs mises en examen et placements en détention provisoire seront requis.

Dans le cadre des investigations, plus de 20.000 euros, quatre véhicules, un bateau, des téléphones et ordinateurs ont été saisis. Les mis en cause ont reconnu partiellement les faits qui leur sont reprochés tout en les minimisant, informe le procureur de la République de Marseille.

Arthus Vaillant