"On s'est retrouvés très seuls": la difficile reconstruction d'une habitante de la rue d'Aubagne à Marseille

Le site où deux immeubles se sont effondrés en 2018, rue d'Aubagne à Marseille, le 16 octobre 2019 - GERARD JULIEN © 2019 AFP
Ce 5 novembre 2024, cela fera six ans que les deux immeubles insalubres du 63 et 65 de la rue d'Aubagne à Marseille se sont écroulés, tuant huit occupants. Le quartier porte encore les stigmates de cette catastrophe et de nombreux habitants ont préféré quitter les lieux pour tourner la page.
Virginie, enseignante et mère de famille, propriétaire d'un logement situé en face de la "dent creuse", a conservé son habitation et tente péniblement de se reconstruire. "On s'est retrouvés très seuls à notre retour, tous nos voisins étaient partis, la rue s'était vidée et semble depuis figée dans du formol", a-t-elle confié à La Provence.
La sinistrée était en classe lorsqu'elle a appris les effondrements. Elle a mis longtemps à réaliser ce qui s'était passé. "J'étais sidérée quand on m'a prévenue (...) J'ai mis 24 heures à admettre que ce n'était pas que le 63, vide, qui s'était effondré mais aussi le 65 qui, lui, était habité", se remémore-t-elle.
"On est vivants, on sait qu'on a cette chance. Mais on a le sentiment que parce qu'on est en vie et propriétaire d'un appartement de la rue d'Aubagne, on n'a pas le droit de se voir reconnaître comme victime", ajoute-t-elle auprès du quotidien.
Une succession de problèmes
Après le choc des effondrements, de longs mois s'écoulent sans possibilité de retourner dans l'appartement. Il faut faire des travaux et trouver 30.000 euros alors que l'enseignante doit rembourser son prêt immobilier avec des mensualités à 800 euros. Elle reprend aussi le travail rapidement, l'empêchant de recevoir un accompagnement psychologique bien adapté.
Lorsqu'elle revient finalement dans son appartement, la pandémie de Covid-19 et le confinement démarrent avec eux une série de désagréments, notamment une cohabitation difficile avec un point de deal.
Nouvelle mauvaise nouvelle en 2023 quand des experts découvrent que les travaux réalisés chez elle, présentent des malfaçons, l'obligeant à quitter son appartement et à se reloger. Elle subira entre-temps deux dégâts des eaux. Les sinistrés vont finalement réussir à faire débloquer des aides de l'Etat.
"On passe notre temps à réparer. La création du collectif des Riverains de la rue d'Aubagne, avec les autres voisins propriétaires du haut de la rue, m'a énormément aidée. On rencontre les mêmes difficultés, on se comprend, on s'épaule, on avance ensemble", poursuit-elle.
Le projet de reconstruction à l'horizon
Virginie reconnaît qu'un déménagement ailleurs est difficile avec ses faibles ressources. Elle se dit aussi attachée au quartier.
"Il ne suffirait pas de grand-chose, juste que notre voix d'habitant soit entendue en tant que telle, mais en six ans, rien n'a changé ou presque", déplore-t-elle. La sinistrée se réjouit cependant qu'un projet de réhabilitation avec une maison de quartier a été retenu. Elle a été choisie pour représenter les habitants dans le pilotage du projet. "D'année en année, je sens que je vais mieux. Je veux y croire", affirme-t-elle.
Par ailleurs, Virginie ne participera pas aux commémorations du drame organisées ce mardi 5 novembre. "C'est très bien qu'elles existent, mais je ne m'y sens pas à ma place, peut-être parce que c'est encore trop douloureux, ou parce qu'on vit toujours là", explique-t-elle à La Provence. Des habitants rendront un hommage discret hors des caméras.
En revanche, Virginie figurera parmi les parties civiles au procès des effondrements qui débute ce jeudi 7 novembre devant le tribunal correctionnel de Marseille.