La sécheresse se fait déjà menaçante sur la côte méditerranéenne et les Alpes du Sud

De la terre craquelée, lors d'un épisode de sécheresse en Corse en août 2021 (PHOTO D'ILLUSTATION) - Pascal Pochard-Casabianca - AFP
À Toudon, près de Nice, seul un filet d'eau coule encore à la fontaine du village: l'alerte sécheresse a été déclenchée dans les Alpes-Maritimes et les prochains mois seront cruciaux, préviennent les météorologistes, refusant cependant tout catastrophisme dans une région Paca habituellement aride.
"C'est une des sécheresses hivernales les plus remarquables de ces soixante dernières années, mais ce n'est pas encore une situation de crise majeure", résume Philippe Gourbesville, hydrologue à l'université Côte d'Azur.
En Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca), le déficit pluviométrique a atteint 30% entre septembre et mars, période traditionnelle de recharge des nappes phréatiques.
Recul des précipitations de 48%
Et le département des Alpes-Maritimes a été particulièrement touché, avec des précipitations en recul de 48%, résultat notamment d'un mois de janvier "particulièrement compliqué avec seulement 4,2 mm de pluie", selon Simon Mittelberger, climatologue à Météo-France. Dans les Bouches-du-Rhône, le déficit atteint seulement 8%.
"Depuis 1959, il s'agit de la deuxième valeur la plus basse pour les Alpes-Maritimes après la saison 1989-1990", précise Cécile Guyon, responsable des services climatiques et de la prévision de Météo-France sud-est.
Le fleuve Var témoigne de ce phénomène, avec un débit de 10 m3 par seconde fin mars à la hauteur de Nice, "une situation qui correspond normalement à début juillet", souligne Philippe Gourbesville.
Les mois d'avril et mai "décisifs"
Mais si "la situation est préoccupante dans les Alpes-Maritimes, elle pourrait être complètement contrebalancée par des pluies en avril-mai. Ces deux mois seront décisifs", insiste Simon Mittelberger.
"C'est difficile de dire si la sécheresse s'accentue en Paca", avertit Joël Guiot, du Cerege (Centre européen de recherche et d'enseignement des géosciences de l'environnement): "Quand on regarde les courbes de précipitations des dernières années, ce n'est pas très net, (...) pas du tout comme pour les températures, où là l'élévation est claire."
Mais "sur la bande littorale, il y a clairement une diminution des pluies", reconnaît cependant ce spécialiste. "Et quand on regarde les modèles climatiques, on voit que ce phénomène va s'accentuer, d'autant que les épisodes méditerranéens augmentent eux aussi, et sont de plus en plus violents, donc l'eau n'a pas le temps de s'infiltrer" dans les sols.
Remplissage des piscines interdit
Sans attendre d'hypothétiques pluies en avril et mai, des restrictions ont déjà été annoncées ce jeudi par la préfecture des Alpes-Maritimes pour deux tiers des communes du département: remplissage des piscines interdit, comme le lavage des voitures ou l'arrosage entre 9 et 19 heures. De même, les fontaines et les jeux d'eau sont désormais fermés, la voirie ne peut plus être nettoyée à grande eau.
La situation est également suivie de près par les pompiers des Bouches-du-Rhône, qui estiment "à un mois et demi d'avance" l'état de sécheresse de la végétation, ce qui a déjà conduit "à des interventions significatives depuis quelques jours", ont-ils souligné lors d'une conférence de presse jeudi.
"On a bon espoir"
"Mais on a bon espoir de faire la danse de la pluie" et d'avoir des résultats, tente de rassurer Vincent Pastor, du groupement risques naturels et feux de forêts: "C'est avril qui conditionnera la saison."
Plus inquiet, Paul Marquis, expert météo pour les pompiers des Bouches-du-Rhône, craint de revivre 2017 et sa "sécheresse quasiment record tout le long de l'année": "On part sur les bases de 2017, de très mauvaises bases", s'inquiète-t-il, soulignant aussi l'hiver "le moins enneigé depuis 1959" dans les Hautes-Alpes, "le château d'eau de la Provence".
"Jamais vue un débit aussi faible sur notre fontaine"
Attention toutefois, tempère Philippe Gourbesville, car "les principales ressources en eau que l'on exploite sont souterraines et se reconstituent sur plusieurs années". "Si on regarde sur un à deux siècles, on a déjà eu ce genre de situation. La situation n'est pas encore critique."
Pour Pierre Corbin, le maire de Toudon, le constat est en tous cas là: "En 40 ans, je ne l'avais jamais vue avec un débit aussi faible notre fontaine", assure-t-il, "ça devient alarmant".