Rhône: inquiétude des habitants de Ternay face aux perfluorés, la préfecture se veut rassurante

Il y environ un an, les habitants de la Vallée de la chimie découvraient pour bon nombre d'entre eux les perfluorés. Également connus sous l'accronyme PFAS, ces "polluants éternels" ont été détectés en quantité anormalement élevées au sud de Lyon. Une enquête journalistique menée par l'émission "Vert de rage" en a fait la révélation en mai 2022. Les analyses menées ensuite à la demande des autorités l'ont confirmé.
"Les campagnes ont montré la présence de PFAS dans les eaux souterraines, rappelle la préfecture du Rhône. L'eau potable en aval de Pierre-Bénite est surveillée par l'Agence régionale de santé. Un dépassement de la norme est constaté sur le champ captant de Ternay mais ne concerne pas les PFAS les plus dangereux."
Il n'en reste pas moins que les 5000 habitants de cette ville débordent toujours de questions. Pour y répondre, les élus de la communauté de communes ont organisé mercredi soir une réunion publique en présence de représentants de l'État.
Des effets sur la santé
Lors de cette réunion publique, l'origine des "polluants éternels" a été rappelée. Ils proviennent de rejets d'industriels comme Arkema et Daikin, lesquels ont eu recours aux perfluorés dès les années 1950 en raison de leurs propriétés antiadhésives, notamment.
S'il existe des milliers de variétés de PFAS, les deux entreprises n'en utilisent désormais plus que deux types (6:2 FTS et PFHxA), en accord avec la réglementation.
Aujourd'hui, il s'avère que "selon l'importance de l'exposition, certains PFAS peuvent avoir des effets sur la santé (taux de cholestérol, fonctionnement du foie, poids à la naissance, système immunitaire des enfants)", indique la préfecture dans une brochure en ligne.
Deux heures d'échanges
Les deux heures d'échanges ont laissé entrevoir l'inquiétude de certains administrés, en particulier au sujet de la potabilité de l'eau qu'ils consomment.
"J'ai pris mes dispositions pour filtrer mon eau à ma charge, à mes frais. Mais qu'en est-il à l'école? Qu'en est-il de la cantine?", s'interroge une administrée, micro en main face à l'assemblée.
"Est-ce que je peux boire l'eau? Oui, à partir du moment où les analyses qui ont été faites par l'ARS (Agence régionale de santé, NDLR) démontrent que cette eau est potable, rassure Vanina Nicoli, préfète, secrétaire générale de la préfecture du Rhône, au micro de BFM Lyon. Pour autant, on a vu qu'il y a un certain nombre d'éléments qui font que la qualité de cette eau pourrait être améliorée. Et c'est toute la démarche qui a été engagée."
En revanche, "il est recommandé d’éviter l’utilisation de puits privés et de privilégier l’eau des bacs récupérateurs de pluie pour l’arrosage du potager et l’abreuvement d’animaux", poursuit la préfecture.
Poissons, œufs et chair de volailles à éviter
En l'état, les autorités recommandent également de ne pas consommer les poissons pêchés dans le Rhône en aval de Pierre-Bénite et dans le Garon, les concentrations en PFAS décelées dépassant pour certaines espèces la teneur maximale fixée par le règlement européen.
De même concernant les œufs et la chair de volailles élevées dans une dizaine de communes de l'agglomération lyonnaise.
Cependant, "à ce stade des investigations, l'Agence régionale de santé n'émet pas de recommandation sanitaire concernant la consommation des fruits et légumes". Les habitants ne sont pas non plus invités à prendre de précautions particulières par rapport aux sols "compte tenu du faible risque d'exposition".
"Renforcer la protection des populations"
En plus de dispenser ces recommandations, les autorités ont fait le point sur les options à l'étude pour réduire la concentration de perfluorés à l'avenir.
"Les rejets industriels dans l'eau sont surveillés et réduits, promet la préfecture. Ceux de Daikin sont très faibles grâce à une station de traitement. Par arrêté préfectoral, Arkema doit réduire ses rejets par paliers et cesser d'utiliser tout PFAS d'ici fin 2024."
Alors que les services de l'État étaient pointés du doigt ces derniers mois pour l'absence de démarches à suivre lorsqu'une pollution de ce type est avérée, le ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires a publié le 17 janvier un plan d’action ministériel sur les PFAS. Avec l'objectif "de renforcer la protection des populations et de l’environnement contre les risques liés à ces composés".
Dans le même temps, l’agence européenne des produits chimiques s'affaire pour interdire les perfluorés. "Cinq pays européens (Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Suède et Norvège), avec le soutien de la France, ont déposé un projet en ce sens", rappelle le ministère. Le recours à ces composés chimiques pourrait être prohibé d'ici à 2025 si cette proposition aboutit.
"Une très grande lenteur"
Les habitants de Ternay ont-ils obtenu les réponses à leurs interrogations lors de cette réunion publique? Le constat est mitigé.
"On voit bien qu'il y a un élan. Il y a bien une volonté. Mais il y a aussi une très grande lenteur", grince un homme aux cheveux grisonnants.
"Il y a eu des réponses que j'attendais, nuance une participante. Personnellement, je continuerai à boire de l'eau du robinet si j'en ai envie. Je ne suis pas très inquiète en fait, pas pour l'instant."
"Je ne suis pas satisfaite parce que je ne suis pas rassurée, en fait. Je pense qu'ils ne sont pas inactifs mais qu'ils n'ont pas les réponses eux-mêmes. On tourne en rond", souffle une autre.
Du côté des élus, une action en justice contre Daikin et Arkema est envisagée. Le maire de Pierre-Bénite, lui, a déjà porté plainte contre X pour mise en danger de la vie d'autrui.