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Procès d'une salariée People&Baby: l'accusée reconnaît les faits, ambiance pesante au premier jour d'audience

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Ce mardi 1er avril, une ancienne employée de crèche People&Baby a reconnu lors de son procès avoir donné à boire du Destop à une enfant de 11 mois. Elle assure ne pas avoir voulu "donner la mort volontairement".

Une ancienne employée de crèche a reconnu ce mardi 1er avril, à l'ouverture de son procès à Lyon, avoir donné du Destop à une fillette dont elle avait la garde, tout en niant avoir voulu la tuer.

"Je reconnais les faits mais ce n'était pas volontaire", a déclaré Myriam Jaouen, 30 ans, devant la Cour d'assises du Rhône qui la juge jusqu'à jeudi pour le meurtre de la petite Lisa, onze mois, en 2022.

"Je n'ai pas donné la mort volontairement", a-t-elle insisté face aux quatre femmes et deux hommes, appelés comme jurés dans cette affaire qui a jeté une lumière crue sur les dysfonctionnements dans les crèches privées.

Malgré ses dénégations initiales, Myriam Jaouen, qui encourt la réclusion criminelle à perpétuité, avait reconnu en garde à vue avoir empoisonné la fillette, parce qu'elle était "excédée par ses pleurs".

Le parcours et la personnalité de l’accusée ont été décrits: une enfance marquée par des difficultés scolaires liée à une dyslexie et à sa surdité partielle. Son père a notamment été entendu et l’a décrite comme une personne immature pour son âge, qui avait toujours eu cette vocation de travailler avec les enfants.

Son CDI obtenu dans cette crèche était son "graal" a-t-il notamment expliqué, avant de poursuivre en expliquant que "les enfants étaient sa vie".

Un portrait bien différent de Myriam Jaouen a été dépeint en fin de journée par les deux mamans qui ont découverts la petite Lisa à la crèche ce jour-là. L'accusée ne s’est pas du tout inquiétée de l’état de la fillette, faisait les 100 pas et n’arrêtait pas de répéter 'je vais me faire virer', a notamment expliqué l’une d’elle.

Ce sont ces deux mamans qui ont appelé les secours et pris soin de l’enfant jusqu’à leur arrivée.

"Je n'ose pas imaginer leur souffrance"

Ni les défenseurs de l'accusée, ni l'avocate des parents de Lisa n'avaient souhaité s'exprimer en marge des débats, qui s'annoncent éprouvants, tant les faits reprochés à l'accusée sont graves.

Face à la douleur des parents, "on essaie de garder la plus grande discrétion", d'être "taisant, soutenant et respectueux", a résumé Sidonie Leblanc, avocate de l'association L'Enfant Bleu - Enfance maltraitée, qui s'est portée partie civile.

"Je n'ose pas imaginer leur souffrance", a ajouté Me Jean Sannier, pour l'association Innocence en danger, également partie civile, pour qui les "deux enjeux" du dossier sont la responsabilité de l'accusée et "la législation sur l'encadrement des micro-crèches".

Une dose peu compatible avec un geste accidentel

Le drame s'est noué dans une de ces petites structures privées, qui accueillent au maximum 12 enfants. Le 22 juin 2022, Myriam Jaouen est seule à l'ouverture de la micro-crèche lyonnaise "Danton rêve" du groupe People & Baby, où elle travaille depuis trois mois.

Peu avant 8 heures, le père de Lisa, qui doit fêter son premier anniversaire quelques jours plus tard, lui remet l'enfant et s'en va.

Selon les éléments réunis par les enquêteurs, dès 8h10 une mère venue déposer son enfant découvre la jeune employée paniquée ainsi que la fillette vomissant, et appelle les secours. Inconsciente à l'arrivée des pompiers, celle-ci meurt à l'hôpital.

Myriam Jaouen est interpellée quelques heures plus tard. Entre-temps, elle a fait du shopping dans un centre commercial. Lors de son audition, elle assure d'abord que Lisa a ingéré par accident de la peinture prévue pour une activité. Acculée par les enquêteurs, elle admet lui avoir fait boire du Destop.

Elle assurera par la suite qu'elle ne savait pas qu'il s'agissait d'un produit caustique ou encore avoir effectué un geste très rapide. Mais l'enfant présentait des lésions si importantes que les experts sont convaincus qu'une grande quantité de liquide a été versée, une dose peu compatible avec un geste accidentel.

Une salariée "fragile"

Lors du procès, les débats devraient s'attarder sur la personnalité de Myriam Jaouen, une femme immature et tendant à l'affabulation selon des experts. Même si la responsabilité de la crèche n'est pas engagée, des questions devraient émerger sur les conditions de travail dans cet établissement en sous-effectif chronique.

Il faudra se pencher sur les circonstances qui "permettent à l'auteur de se livrer à son crime", estime ainsi Me Jean Sannier, en dénonçant la logique de "rentabilité maximum" pratiquée dans les micro-crèches qui fait "rogner sur la sécurité".

Pour lui, cela a permis l'emploi d'une "salariée fragile, qu'on a recrutée sans regarder vraiment qui elle était", alors qu'elle "avait été remerciée au bout de quelques jours" dans une autre crèche.

Trois semaines après la mort de Lisa, le gouvernement avait saisi l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) pour analyser le secteur des crèches privées. Publié en avril 2023, son rapport décrit une qualité d'accueil "très disparate" et pointe une pénurie de personnel et une faiblesse des contrôles.

Deux rapports parlementaires et trois livres-enquêtes ont ensuite épinglé "un système à bout de souffle" et une course au rendement menée au détriment des enfants, sans qu'aucune réforme de grande envergure ne soit menée à ce jour.

Différents experts sont attendus ce mercredi à la barre, psychiatre et légistes. Les parents de la victime devraient normalement s’exprimer. L’accusée, elle, sera à nouveau interrogée sur les faits.

S.A, Lucie Nolorgues et Alixan Lavorel avec AFP