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2025 devrait être la pire année dans le luxe depuis 15 ans

Dior SS25

Dior SS25 - Julien De Rosa

Les grandes maisons de luxe s’apprêtent à affronter une année délicate selon une étude du cabinet de conseil Bain and Company. Si l’envie de consommer du luxe ne disparaît pas, la prudence des consommateurs et les tensions géopolitiques mondiales freinent les dépenses. Entre remaniements créatifs, ralentissement des ventes et espoirs générationnels, le secteur entre dans une phase de transition stratégique.

Selon une étude du cabinet de conseil Bain and Company, le secteur mondial du luxe, entre en zone de turbulences. En 2025, les incertitudes économiques, les tensions géopolitiques et le repli de la consommation sur ses marchés clés (Chine et États-Unis) font planer la menace d’un repli inédit depuis 15 ans. Pourtant, à long terme, l’industrie reste portée par une nouvelle génération de consommateurs.

Un ralentissement mondial inédit depuis 15 ans

Les ventes du luxe, "sensibles à l'incertitude, sont soumises à une pression croissante, la confiance des consommateurs de luxe se trouvant entamée par les bouleversements économiques, les tensions géopolitiques et commerciales, les fluctuations monétaires et la volatilité des marchés financiers", prévient cette étude publiée ce jeudi 19 juin, en partenariat avec la Fondation Altagamma, qui réunit les grands noms du luxe italien. Pour ces auteurs, les vents contraires pourraient bien être les plus forts auxquels l'industrie est confrontée depuis 15 ans.

 Dior automne-hiver 2025/2026, Paris 2025
Dior automne-hiver 2025/2026, Paris 2025 © Thomas SAMSON

En effet, la Chine et les Etats-Unis, marchés les plus importants pour le secteur, connaissent une baisse de la demande, causée aux Etats-Unis par les fluctuations liées aux tarifs douaniers et en Chine et par l'attitude attentiste de la classe moyenne, estime l'étude.

"Nous sommes dans une période assez inhabituelle en matière de turbulence et de volatilité, que ce soit économique, géopolitique, etc. La dépense de luxe dans le monde a beaucoup crû à la sortie du Covid (...)  on voit aujourd'hui un retour à la normale", souligne auprès de l'AFP Joëlle de Montgolfier, directrice du pôle luxe chez Bain and Company.

"Il continue à y avoir un appétit de luxe dans le monde, on n'est pas sur un marché qui s'effondre, très loin de là", nuance-t-elle.

Deux scénarios se dessinent

Après 1.478 milliards d'euros en 2024, le développement de ce marché pourrait ralentir cette année, et notamment les ventes d'articles de luxe personnels (mode et maroquinerie, joaillerie, horlogerie), qui représentent environ un quart du total et pourraient reculer de 2 à 5% "selon le scénario le plus probable".

Chanel haute joaillerie sport
Chanel haute joaillerie sport © Chanel
"On avait une perspective relativement positive au dernier trimestre 2024, et malheureusement, le début 2025 est ressorti en baisse", détaille Joëlle de Montgolfier, parlant de "normalisation du marché".

L'étude envisage deux autres scénarios, jugés moins probables, l'un, optimiste, qui verrait les ventes évoluer entre -2 et +2%, et l'autre, pessimiste, avec une chute de la demande et en conséquence des ventes qui diminueraient de 5 à 9%.

Le parfum Lovers de Louis Vuitton par Pharrell Williams
Le parfum Lovers de Louis Vuitton par Pharrell Williams © Louis Vuitton

"On est dans une grande phase de doute sur la valeur ajoutée du luxe, sa désirabilité, sa capacité à convaincre les clients qu'il est au juste prix pour ce qu'il offre. Et le luxe lui-même (les groupes du secteur, NDLR) a quelques doutes quand on voit ce jeu de chaises musicales des directions créatives", analyse Joëlle de Montgolfier.

Une industrie en quête de sens et de renouvellement

Ces derniers mois, plusieurs grandes maisons ont en effet changé de direction artistique, avec l'arrivée de Matthieu Blazy chez Chanel, de Jonathan Anderson chez Dior, de Demna chez Gucci...

Matthieu Blazy
Matthieu Blazy © Miguel Medina
"Chacun sait qu'il doit se renouveler un peu, réintroduire de la nouveauté, de l'innovation, etc. Mais en même temps, maintenant qu'on a fait tourner tout le monde, on ne sait pas trop à quel degré de renouvellement on va se retrouver", souligne Joëlle de Montgolfier.

"Le temps que tous les directeurs créatifs et artistiques soient en place, commencent à produire leur première collection... ce n'est sans doute pas sur l'exercice 2025 qu'on verra la matérialisation de ces efforts et leur conversion en termes de croissance", estime-t-elle.

A long terme, l'étude de Bain and Company/Altgamma estime que "les fondamentaux et les perspectives restent bonnes", faisant valoir que sur les cinq prochaines années, plus de 300 millions de nouveaux consommateurs, dont la moitié issus des générations Z (nées entre la fin des années 1990 et début 2010) et Alpha (nés après 2010), vont arriver sur le marché. Combinés à une hausse des revenus mondiaux et aux transferts de patrimoine entre générations, la clientèle potentielle du luxe devrait croître, conclut Bain and Company.

Juliette Weiss avec AFP