Quelles sépultures pour les migrants morts lors de naufrages dans la Manche?

Des pompiers sont rassemblés autour des dépouilles de migrants morts dans le naufrage de leur embarcation, lors d'une tentative de traversée de la Manche le 3 septembre 2024 - BERNARD BARRON © 2019 AFP
12 personnes sont mortes dans une tentative de traversée de la Manche ce mardi 3 septembre, au large du cap Gris-Nez, dans le Pas-de-Calais. Un drame qui vient s'ajouter à de multiples précédents depuis le début de l'année 2024. L'année 2024 est d'ailleurs l'année la plus meurtrière depuis le début du phénomène des bateaux de fortune sur la Manche, avec au moins 37 morts en mer lors de tentatives de traversées.
Une centaine de personnes se sont rassemblées mercredi soir à Calais pour rendre hommage à ces migrants morts la veille en essayant de rallier l'Angleterre.
Actuellement, les 12 dépouilles sont entre les mains des médecins légistes de l’Unité Médico Judiciaire (UMJ) du CHU de Lille. Une enquête a été ouverte par le parquet de Boulogne-sur-Mer pour déterminer les causes du naufrage de ce mardi.
Une fois que le décès a été formellement constaté par les forces de l’ordre et le décompte des victimes terminé, il reste ensuite à déterminer quelle sépulture sera faite pour ces personnes venues souvent de loin pour chercher l’asile au Royaume-Uni.
Lorsque des investigations sont ouvertes, les corps des exilés sont transférés dans ces unités des centres hospitaliers concernés. Sur place, ils sont installés dans des casiers réfrigérés pour conserver le plus intact possible les corps avant qu'ils soient auscultés par un légiste. Cet expert doit déterminer les causes exactes de la mort et faire un descriptif physique de la personne décédée.
Inhumé dans le carré des indigents
Une fois les raisons de la mort établies, il revient aux forces de l’ordre d’identifier le corps et d’essayer de retrouver les proches à partir du rapport du légiste. Interrogés sur ces investigations, le parquet de Boulogne-sur-Mer et la police n’ont pas répondu à nos sollicitations.
"Des corps peuvent rester plusieurs semaines dans les UMJ, sans que les proches de la victime puissent avoir de nouvelles", indique à BFMTV.com, Louise, coordinatrice de l’association Refugee Women’s Center.
Une fois l’enquête terminée et le certificat de décès signé, le corps est placé sous la responsabilité de la commune où l'exilé a trouvé la mort.
Conformément à la loi française, en l’absence d’état civil et si aucun proche n’est retrouvé, la personne sera inhumée "sous X" dans le carré des indigents du cimetière de la municipalité concernée. Cet espace est réservé généralement aux SDF ou aux personnes n’ayant pas les moyens de se payer une sépulture.
Un long travail d'enquête mené par des bénévoles
Pour éviter cette situation, des militants et membres d'associations se sont organisés au sein d'un groupe, appelé "le groupe décès" qui se mobilise auprès des proches des personnes décédées ou disparues.
"Ce groupe tente de soutenir de la manière la plus respectueuse possible les proches des personnes décédées et les communautés de personnes exilées vivant à la frontière affectés par ces drames. Ce soutien passe bien souvent, en premier lieu, par du temps consacré à l'explication des démarches médico-légales, administratives, juridiques aux proches des personnes décédées ou disparues", explique à BFMTV.com, Célestin Pichaud, coordinateur de l’association d’aide aux migrants Utopia 56.
Les bénévoles de ces groupes, réalisent un travail d’enquête afin d'identifier et retrouver les proches des exilés décédés. "Ils passent dans les camps pour essayer de trouver un nom et après, ils cherchent à entrer en contact avec leurs proches pour organiser la cérémonie", précise le membre de l’association.
Les proches peuvent donc demander à ce que la victime soit enterrée selon ses croyances et coutumes. “Il y a des corps de migrants qui sont enterrés dans le carré musulman du cimetière de Boulogne-sur-Mer. J’ai pu assister aux obsèques de ces personnes”, confirme à BFMTV.com, Dany Patoux, du collectif d’aide aux migrants, Osmose 62.
Des rapatriements possibles mais compliqués
Les migrants morts en France ne reposent pas tous dans l'Hexagone pour autant. Certaines familles font rapatrier le corps pour qu’il soit enterré dans son pays d’origine. Une opération onéreuse, qui est entièrement aux frais des proches du défunt. "Il n’y a aucune intervention de l'État lors des rapatriements", regrette une membre de Refugee Women’s Center.
Pour aider les familles dans l'incapacité financière de rapatrier le corps, le groupe de décès Le réveil voyageur a lancé une cagnotte où les particuliers peuvent faire des dons pour financer l’opération.
"Les dons sont destinés au groupe décès dans les situations où il est sollicité par les familles qu'il soutient, lorsqu'elles ne sont pas en mesure de financer tout ou une partie des frais liés aux funérailles, dans le respect de leur volonté", indique le groupe de décès Le réveil voyageur.
"Il est fréquent que les familles n'aient pas les moyens de financer un rapatriement du corps du ou de la défunte, et nous demande d'organiser les enterrements localement à Calais ou Dunkerque. Chaque enterrement fait selon le respect des pratiques religieuses, notamment conformément à l'Islam, coûte minimum 2.000 euros en partie pour les frais de la concession et la cérémonie", rappelle le groupe de décès sur la page de la cagnotte.
Pour le moment, la cagnotte mise en ligne par le groupe a atteint au total plus de 2.900 euros sur les 10.000 espérés.