Bizutage: un étudiant grièvement handicapé, 10.000 euros d'amende requis contre une association de l'Edhec

Devant l'entrée de l'Edhec de Lille. - Capture Google Street View
Le parquet a requis mercredi une amende de 10.000 euros à l'encontre d'une association de la prestigieuse école de commerce Edhec de Lille, jugée en tant que personne morale pour un bizutage présumé en 2013, qui a laissé un étudiant handicapé.
Le jugement sera rendu à Lille le 2 avril. Le procureur a aussi demandé la publication de l'éventuelle condamnation dans un journal régional, à des fins pédagogiques.
L'association Course-croisière Edhec, qui existe depuis 1968 et organise chaque année une course de voile renommée, doit répondre d'actes de bizutage commis en 2013, lors d'un voyage d'intégration à Arles et d'une soirée "d'intronisation" à Lille.
Alcool et humiliations
Dans la nuit du 17 au 18 octobre 2013, un jeune homme de 20 ans et d'autres étudiants de première année qui voulaient rejoindre l'association avaient été réunis dans la cave d'un appartement lillois.
Une bouteille contenant un mélange de rhum, vodka, bière et pastis avait été scotchée à leurs mains, avec la consigne de la boire en un temps limité. Les garçons devaient également se mettre en caleçon.
En état d'ivresse avancé et incapable de suivre les autres étudiants en discothèque, le jeune homme était resté dans l'appartement. Vers 4h30 du matin, il avait été découvert gravement blessé dans la cour.
Souffrant d'un traumatisme crânien et de multiples fractures, il était vraisemblablement tombé d'une fenêtre du deuxième étage.
L'éudiant handicapé à 35%
Douze ans plus tard, s'appuyant sur une canne, il a expliqué au tribunal être handicapé à 35% et vivre avec des douleurs constantes. Il a dénoncé un "climat destructeur, déshumanisant dans les traditions que perpétue cette association".
"Au nom du groupe et de peur d'être rejetés, les étudiants acceptent tout un tas de choses", a-t-il encore déploré, décrivant un climat à l'Edhec maintenant les jeunes dans la terreur d'être "ostracisés" s'ils n'intègrent aucune association.
L'enquête avait été élargie au trajet en bus vers Arles, durant lequel des étudiants de première année, affublés de surnoms humiliants, avaient été obligés de garder la tête baissée et le silence et à embrasser un poisson mort.
Six étudiants avaient initialement été mis en examen. Mais en 2017 la cour d'appel de Douai avait rendu une ordonnance de non-lieu, estimant que des faits précis ne pouvaient pas leur être imputés.
La défense plaide la relaxe
L'association a ensuite été renvoyée devant le tribunal. Elle était représentée mercredi par ses deux présidents actuels. Ils ont assuré que les pratiques décrites n'existaient plus.
"L'ensemble des participants aux deux faits devrait être devant vous aujourd'hui. Chacun aurait dû répondre de l'entier sentiment d'humiliation ressenti", a pointé le procureur dans ses réquisitions.
L'avocat de l'association Course-croisière Edhec, Mathieu Masse, a plaidé la relaxe, soulignant que les faits reprochés n'étaient pas institutionnalisés ou ordonnés par les dirigeants de l'association.
Le Comité national de lutte contre le bizutage (CNCB), partie civile, a dénoncé "l'omerta" qui règne dans les dossiers de ce type. Un autre procès doit se tenir à Lille en janvier 2026 pour la mort d'un étudiant en médecine après une soirée d'intégration alcoolisée en 2021.