"Waouh ça va augmenter la durée de travail de 18 minutes et 22 secondes!": les économistes étrillent le plan Bayrou sur les jours fériés

C'est l'annonce qui fait couler le plus d'encre. L'annonce par François Bayrou mardi 15 juillet de supprimer deux jours fériés est peut-être la plus concrète du plan de désendettement et de relance de l'activité dévoilé par le chef du gouvernement. Si l'opposition et les syndicats sont vent debout contre ce projet, les économistes ne sont pas beaucoup plus enthousiastes.
À commencer par Bruno Cavalier, le chef économiste du courtier Oddo BHF, auteur d'une note au vitriol ce mercredi.
"Ce "moment de vérité" sur les finances publiques [...] contient quelques efforts louables mais timorés pour freiner les dépenses sociales, il préserve à peu près les entreprises mais l’ensemble est assez urticant pour mécontenter tout le monde, écrit l'économiste. Si ce plan est finalement mis en œuvre, il aboutira à augmenter la durée de travail de 18 minutes et 22 secondes par semaine et à réduire les effectifs de la fonction publique de 0.05%. Waouh !", cingle-t-il.
La suppression de deux jours fériés ferait en effet travailler les actifs en emploi 16 heures de plus dans l'année, soit effectivement à peine plus de 18 minutes quand on le rapporte au nombre de semaines d'une année.
Si Bruno Cavalier salue, avec des coupes de 43,8 milliards d'euros prévues en 2026, la volonté du gouvernement de viser "une modération des dépenses publiques, en particulier sur la sécurité sociale et les collectivités locales, les deux postes ayant le plus dérapé", il craint que l'Assemblée rejette ce plan.
"Si des compromis sont faits, cela réduira le rythme d’ajustement", estime-t-il.
"Moins important que l'âge de la retraite"
Toujours sur ces jours fériés supprimés, d'autres économistes jugent que cette mesure n'est pas de nature à améliorer le taux d'emploi dans le pays.
"Ce débat sur les jours fériés dans une perspective de long terme ça me paraît moins important que l'âge de la retraite", estime l'économiste Christian de Boissieu, professeur émérite à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Ça va rapporter par jour 3,5 ou 4 milliards d'euros mais je suis méfiant par rapport à cette démarche. Le Premier ministre n'a pas cité le lundi de Pentecôte [...] mais on ne sait pas qui travaille, qui ne travaille pas et du coup ça rapporte beaucoup moins que prévu."
L'enjeu en France est en effet d'améliorer le taux d'emploi (la part de 15-64 ans qui travaillent), qui progresse certes mais qui reste à 69,5% un des plus bas d'Europe du fait d'un taux de chômage plus élevé que dans les autres pays du Vieux continent et d'un âge de départ en retraite plus bas. Ce taux d'emploi est par exemple de 82,3% aux Pays-Bas, 77,6% en Allemagne ou encore de 76,2% en Suède, selon l'OCDE.
En supprimant des jours fériés, les actifs en emplois travailleront plus mais ça n'aura pas de conséquence sur les personnes inactives ou celles au chômage.
Enfin, cette cure d'austérité avec près de 44 milliards d'euros de dépenses publiques en moins ne sera pas sans conséquence sur l'activité.
"Si ce plan d’austérité de près d’1,5% du PIB est nécessaire, il pèsera sur la croissance l’année prochaine et surtout risque de faire réémerger les tensions politiques cet été", anticipe Xavier Chapard, stratégiste à LBPAM.
Dans un contexte de tensions internationale et d'économie au ralenti en Europe, ces coupes dans les dépenses publiques pourraient accentuer l'atonie de la croissance française, qui est attendue à 1,2 % en 2026, selon les hypothèses de Bercy.
Mais "la perte de croissance n’est que transitoire, tempère la Fondation Ifrap, et si l’ajustement des finances publiques est accompagné d’une baisse de prélèvements obligatoires à même d’améliorer la situation des entreprises, on peut même en espérer des gains de compétitivité et un vrai début de réindustrialisation."
