Vente d'armes à l'Arabie saoudite: pourquoi la France marche sur des œufs

Après la mort de Jamal Khashoggi, la France n'a pas encore prononcé de sanctions vis-à-vis de l'Arabie saoudite. Ryad est un client majeur pour l'industrie de défense française et Emmanuel Macron devait s'y rendre en fin d'année pour signer de nouveaux contrats.
En Allemagne, le ton monte pour ne plus autoriser de nouvelles exportations d'armes vers l'Arabie saoudite. Après les déclarations d'Angela Merkel, c'est le ministre allemand de l'Economie qui a appelé lundi les Européens à suspendre tout nouveau contrat d'armement avec l'Arabie saoudite tant qu'elle n'aura pas fait la lumière sur la mort du journaliste Jamal Khashoggi.
"Ce n'est que si tous les pays européens se mettent d'accord que cela impressionnera le gouvernement de Ryad", a affirmé Peter Altmaier sur la chaîne allemande ZDF, précisant que "les explications apportées" jusqu'ici par l'Arabie saoudite n'étaient pas "satisfaisantes". "Il n'y a aucun effet positif si nous restons les seuls à arrêter les exportations et si en même temps d'autres pays comblent le trou", a-t-il expliqué.
Les exportations d'armement allemand sont mineures comparées à celles de ses partenaires européens, Royaume-Uni et France en tête. Pour la France, troisième exportateur d’armes au monde en 2017, l’Arabie saoudite représente un acheteur majeur. Le royaume est même depuis 2008, son deuxième client, derrière l’Inde et devant le Qatar, deux pays qui ont pris commande d’avions Rafale. En moins de dix ans, l’Arabie saoudite a passé pour environ 11 milliards d’euros de commande d’armes à la France.

Dans les commandes saoudiennes: des véhicules blindés, des hélicoptères et des munitions… Mais il faut noter que depuis l’arrivée au pouvoir du prince héritier Mohammed ben Salmane en 2015, l’Arabie saoudite a considérablement réduit ses commandes. De 1,9 milliards d'euros en 2013 et 3,6 milliards en 2014, les commandes ont chuté à 0,8 milliard en 2016 et 0,6 milliard d'euros en 2017. Avec la baisse des commandes, le poids de l’Arabie saoudite dans la production d’armes en France devrait logiquement se tarir à l'avenir.
Pour y remédier, Emmanuel Macron avait d'ailleurs prévu de se rendre “en fin d’année” dans le pays pour y signer des contrats. L’annonce avait été faite en avril au moment où le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane était en visite officielle à Paris. "Les deux dirigeants vont travailler sur un document stratégique qui sera prêt d'ici à la fin de l'année, d'où procéderont des contrats qu'Emmanuel Macron ira signer en fin d'année en Arabie Saoudite", avait indiqué à la presse l'entourage du chef de l'Etat.
La disparition de Jamal Khashoggi a relancé le débat dans plusieurs pays sur un réexamen des relations avec Ryad. Dimanche, le Premier ministre canadien Justin Trudeau a indiqué ne pas exclure que son pays puisse annuler un important contrat de vente d'armes à l'Arabie saoudite.
Interrogée au Parlement mercredi après-midi, la ministre des Armées Florence Parly a déclaré que "la France réclame que toute la lumière soit faite, qu'une enquête crédible soit réalisée" sur le meurtre de Jamal Khashoggi."C'est sur la base des conclusions de cette enquête (...) que des décisions seront prises", a-t-elle assuré.
Il y a encore six mois, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux défendait la vente d’armes à l'Arabie saoudite, comme un "intérêt clair pour l'industrie française". “Notre industrie a aussi besoin de trouver des débouchés sur ces marchés", précisait-il. Ce mercredi après-midi, il a décidé de hausser le ton vis-à-vis de Ryad. La France prendra des sanctions "si la responsabilité de l'Arabie saoudite est avérée" dans le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi et que les faits sont "corroborés par nos services de renseignement", a-t-il déclaré.
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