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Un fabricant français de vélos au bord de la faillite à cause d'un "excès de zèle" de douaniers belges

Une mauvaise interprétation d'un règlement européen va-t-il conduire ce fabricant français à mettre la clé sous la porte?

Une mauvaise interprétation d'un règlement européen va-t-il conduire ce fabricant français à mettre la clé sous la porte? - Vélobécane

Les douanes belges accusent Vélobécane d'infraction à la loi européenne anti-dumping et bloquent une dizaine de conteneurs de composants de vélos commandés en Chine. Ils réclament près de 600.000 euros pour les restituer.

Tout roule dans le vélo, mais pas pour tout le monde. Vélobécane, marque française de vélo à assistance électrique, est dans un imbroglio douanier qui risque de la couler.

L'entreprise, créée il y a 9 ans par Arnof Haddouk qui est passée en un an de 4 à 35 personnes qui travaillent principalement dans une usine près de Lille. Aujourd'hui, l'entreprise est à la limite du dépôt de bilan, les 35 techniciens nordistes sont au chômage partiel et le recrutement de 30 personnes cette année est remis aux calendes grecques.

11 conteneurs bloqués par la douane belge

La situation est kafkaïenne. Depuis le 15 mars, 11 conteneurs arrivant de Chine sont bloqués à Anvers avec dedans l'ensemble des composants nécessaires à l'assemblage de milliers de vélos dont une grande partie est précommandée via le site Cdiscount. Vélobécane a choisi se faire livrer à Anvers pour réduire le temps de transport. Il faut environ une heure pour rejoindre Lille.

Pour les douaniers belges, Vélobécane importe des vélos chinois prêts à assembler et soumis aux règles anti-dumping imposées par l'Union européenne. Ils réclament 576.000 euros pour débloquer la marchandise.

C'est incroyable sachant que tous les fabricants français font venir leurs composants d'Asie puisqu'il n'y en a pas en France ou en Europe", rappelle le patron de Vélobécane.

La somme que lui demandent les douanes correspond à la valeur de la marchandise (279.117,32 euro), aux droits d'importation et droits antidumping (218.948,64 euros) et aux frais de stockage pour le reste. La facture va grimper encore avec cinq nouveaux conteneurs qui doivent arriver ces prochains jours.

Cette somme est impossible à réunir et je ne vais quand même pas m'endetter pour récupérer 300.000 euros des biens que j'ai déjà payés aux fournisseurs, explique à BFM Business Arnof Haddouk. J'ai contacté la Commission européenne qui ne comprend même pas la situation. Dans un courrier, un spécialiste estime que les douaniers belges font un excès de zèle en faisant une mauvaise interprétation du réglement sur les importations de produits".

L'article 13 de ce texte explique que les pièces provenant de Chine ne doivent pas dépasser "60% ou plus de la valeur du produit assemblé". Mais ces conditions ne s'appliquent pas si "la valeur ajoutée aux pièces incorporées au cours de l’opération d’assemblage ou d’achèvement de la fabrication est supérieure à 25 % du coût de fabrication".

Une perte de 100.000 euros par mois

Dans un courrier adressé aux douanes dont nous avons obtenu une copie, l'avocat de Vélobécane signale que "la valeur ajoutée générée par [Vélobécane] est incontestablement supérieur à 25% de la valeur totale des coûts de fabrication des pièces importées. Les fiches de paie des 35 employés de cet atelier, qui montrent de manière concluante la valeur ajoutée que le client apporte aux produits finis en Europe".

Rien n'y fait, la justice belge réclame le paiement d'un acompte pour recevoir la contestation qui sera jugée dans plusieurs mois. Sans cela, les conteneurs ne seront pas restitués et faute de composants, l'entreprise ne pourra pas réembaucher ses équipes, pas recruter de nouveaux techniciens, pas livrer les clients et finalement pourrait mettre la clé sous la porte dans quelques semaines.

Avec la fermeture de l'usine, j'ai une perte de 100.000 euros par mois au moment où j'ai agrandi mon site de production, j'ai investi dans du matériel et j'ai recruté. J'ai même obtenu l'agrément de Pôle Emploi pour former des techniciens. Je vois la pleine saison du vélo arriver sans pouvoir y participer, je suis désespéré", confie Arnof Haddouk.

Le dirigeant a contacté Bercy et l'Union Sport&Cycle, organisme qui fédère les fabricants de vélos, et attend un retour. Ce vendredi, le préfet des Hauts de France doit se rendre dans l'usine Vélobécane pour "aider à régler le problème". Arnof Haddouk garde espoir mais compte les jours qui le rapprochent d'un désastre à l'heure même où il ne s'est jamais vendu en France autant de vélos.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco