Liens avec Macron, méthodes brutales... ce qu'il faut retenir des "Uber files"

Une importante enquête internationale a été publiée ce dimanche sur les agissements d'Uber - Britta Pedersen - DPA - AFP
Pacte "secret" contre "toutes nos règles", "pillage du pays": des élus de gauche ont vivement dénoncé dimanche les liens qui ont uni Emmanuel Macron et la société Uber, après des révélations de presse.
Dans le cadre des "Uber Files", une enquête reposant sur des milliers de documents internes à Uber adressés par une source anonyme au quotidien britannique The Guardian et transmis au Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) et à 42 médias partenaires, Le Monde et Radio France se sont intéressés aux liens entre la société américaine et Emmanuel Macron à l'époque où il était ministre de l'Economie (2014-2016).
• Quels sont les liens entre Uber et le président de la République?
Lorsqu'il était à Bercy, Emmanuel Macron a été l'un des premiers défenseurs de l'entreprise, pourtant à l'époque visée par de nombreuses enquêtes. Selon Le Monde, au moins 17 échanges "significatifs" ont eu lieu entre Emmanuel Macron ou ses proches conseillers et les équipes d'Uber, "soit un échange par mois en moyenne."
"Plus qu'un soutien, Emmanuel Macron a été quasiment un partenaire", écrit le quotidien. Et pour cause, des amendements rédigés par Uber auraient été transmis "clés en main" à des députés lors de l'examen de la Loi Macron, en janvier 2015.
Retirés ou rejetés, l'esprit de ces amendements sera repris dans un décret: les 250 heures de formation nécessaires pour devenir chauffeur que prévoyait la loi Thévenoud sont supprimées. Une seule journée de formation est désormais nécessaire pour obtenir une licence VTC.
Emmanuel Macron a également "regardé personnellement" l'arrêté pris en 2015 par Laurent Nunez, à l'époque préfet de Police des Bouches-du-Rhône, qui interdit les courses privées d'Uber dans la cité phocéenne. A l'époque, le contexte est brûlant en raison de la colère des taxis.
Le lobbyiste Mark MacGann contacte alors directement Emmanuel Macron, qui promet de "regarder personnellement" le sujet. Quelques heures plus tard, la préfecture des Bouches-du-Rhône rétropédalera et publiera un nouvel arrêté dans les jours qui suivront.
• Pourquoi parle-t-on des méthodes brutales d'Uber?
Le géant du VTC est également face aux révalations concernant ses méthodes employées pendant ces années d'expansion rapide mais aussi de confrontation pour Uber, de Paris à Johannesburg. "L'entreprise a enfreint la loi, trompé la police et les régulateurs, exploité la violence contre les chauffeurs et fait pression en secret sur les gouvernements dans le monde entier", affirme le Guardian.
Les articles mentionnent notamment des messages de Travis Kalanick, alors patron de la société basée à San Francisco, quand des cadres se sont inquiétés des risques pour les conducteurs qu'Uber encourageait à participer à une manifestation à Paris.
"Je pense que ça vaut le coup", leur a répondu le cofondateur. "La violence garantit le succès".
Accusé d'avoir encouragé des pratiques managériales douteuses et brutales, sur fond de sexisme et de harcèlement au travail, Travis Kalanick avait dû abandonner son rôle de directeur général du groupe en juin 2017.
• ou illégales: des perquisitions bloquées grâce au Kill Switch
Plus tôt, en 2015, le même Travis Kalanick donne l'ordre à ses employés de bloquer l'accès à la police néerlandaise aux données d'Uber en activant un "kill switch." Ce "bouton d'arrêt d'urgence" coupe à distance l'accès aux ordinateurs et aux données internes d'une entreprise. "L’activation du kill switch pour perturber le travail des forces de l’ordre est considérée par de nombreux juristes comme étant à la limite de la légalité", résume Le Monde.
De son côté Uber ne conteste pas "le fait que ce type de logiciel ait pu être utilisé en France", indique le quotidien. Le géant du VTC aurait donc ainsi entravé le travail des autorités. Et selon Radio France, "cet outil d'obstruction a été activé à 13 reprises entre novembre 2014 et décembre 2015 dans sept pays: France, Inde, Belgique, Pays-Bas, Canada, Hongrie et Roumanie."
Enfin, autre révélation de ces "Uber Files": pour s'assurer une bonne image dans les médias, le géant du VTC a sorti le carnet de chèques pour convaincre des économistes de soutenir leur argumentaire en France. Nicolas Bouzou aurait ainsi été rémunéré au moins 10.000 euros pour rédiger une analyse indiquant qu'avec une législation plus souple, Uber pourrait être créatrice de milliers d'emplois en France. L'intéressé conteste les faits auprès du Monde.
La plateforme Uber a déclaré ce dimanche qu'elle ne ferait pas d'excuses pour son "passé", en réponse à une enquête internationale de journalistes montrant que l'entreprise a eu recours à des pratiques brutales et a "enfreint la loi" pour s'imposer malgré les réticences des politiques et des taxis.