Ukraine: le fléau de la corruption

Un énième scandale. Cinq millions d’euros en espèces, ainsi que des bijoux et d’autres objets de valeur, ont été retrouvés chez une fonctionnaire dans l’Ouest de l'Ukraine.
Tetiana Kroupa était à la tête d’une commission médicale dans la région de Khmelnytsky, chargée d’évaluer l’aptitude des hommes pour la mobilisation… Un demi-million se trouvait également dans deux valises que la femme de 64 ans a jetées par la fenêtre dans l’espoir d’alléger le poids de ses torts.
Avec son fils, dirigeant de l’antenne régionale du fond de réserve pour les retraites, elle été mis en examen pour enrichissement illicite. Tetiana Krupa aurait permis aux réfractaires d’échapper à la mobilisation militaire en Ukraine en établissant de fausses déclarations d'invalidité.
Dernier scandale d’une longue liste
La corruption touche tous les échelons de la fonction publique ukrainienne. En avril, Mykola Solskyi, alors ministre de l’Agriculture, était accusé de s’être approprié des terrains publics – valeur près de 7 millions d’euros. Autre affaire retentissante, celle impliquant Vsevolod Kniaziev, président de la Cour suprême, la plus haute instance du pays. L’homme est poursuivi pour avoir accepté un pot-de-vin de 2,5 millions de la part d’oligarques.
Et puis, il y a les années Ianoukovitch. Entre 2010 et 2014, les autorités auraient détourné plus de 30 milliards d’euros. L’ex-président pro-russe s’était lui-même fait construire un palais à Kiev, avec un zoo privé, un ring de boxe et un piano blanc signé John Lennon. Le tout grâce à l’argent du contribuable.
La promesse d’éradiquer la corruption était au cœur de la campagne de Volodymir Zelensky en 2019. Pour Viktor Pavlushchyk, directeur de l'Agence nationale de prévention de la corruption, la NAPC, ces scandales à répétition sont plutôt bon signe. Cela voudrait dire, selon lui, que le pays est engagé sur la bonne voie:
"Dix ans en arrière, qui aurait cru que le président d'un tribunal puisse être accusé de corruption. Aujourd'hui, les gens savent qu'il n'y a plus d'impunité en Ukraine".
Viktor Pavlushchyk est responsable de la mise en œuvre du programme national de lutte contre la corruption ; plus de 1.000 mesures approuvées par le gouvernement l'année dernière. Le programme devrait permettre à l'État d'économiser plus de 4 milliards d’euros par an, qui autrement seraient perdus à cause de la corruption.
Facteur essentiel d’intégration à l'UE
La lutte contre la corruption est un critère essentiel d'intégration à l’Union Européenne. Le mois dernier, Viktor Pavlushchyk s'est rendu à Bruxelles où il a présenté à la Commission européenne un rapport sur l'état d'avancement de son programme et sur la conformité de la législation ukrainienne avec celle de l'Union.
Pour Tetiana Shevchuk, du Centre d'action anti-corruption, une ONG basée à Kiev, les négociations d'adhésion contribueront à donner l'élan politique nécessaire pour accélérer l'adoption de nouvelles mesures.
"La société réagit très fortement à toute forme d'injustice, la demande de changement est forte. Le gouvernement sait qu'il n'a pas d'autre choix que d'agir" dit-elle.
L'invasion russe a, elle aussi, rendu la tâche encore plus urgente. Les alliés occidentaux exigeants de nettes améliorations en échange des dizaines de milliards de dollars d'aide qu’ils fournissent. Aux États-Unis, les Républicains avaient d’ailleurs invoqué l’ampleur de la corruption pour justifier le blocage pendant plusieurs mois de l’enveloppe de 61 milliards de dollars.