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L Edito de Raphael Legendre

ÉDITO. Dépenses locales: l’heure n’est plus aux jérémiades, mais aux comptes

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Ce mardi, le gouvernement réunit les élus locaux à huis clos pour évoquer un sujet explosif : la maîtrise des dépenses publiques locales.

Ce mardi, le gouvernement réunit les élus locaux à huis clos pour évoquer un sujet explosif: la maîtrise des dépenses publiques locales. Un rendez-vous crucial dans un contexte où la France affiche un déficit public abyssal de 5,8% du PIB, le plus élevé de la zone euro. L’objectif est clair: faire contribuer les collectivités au redressement des finances publiques.

Mais l’enjeu va bien au-delà des simples ajustements budgétaires. Il s’agit de remettre un peu de rigueur là où les digues ont sauté.

Une mécanique bien connue: plus de liberté, plus de dépenses

Les dépenses locales, c’est moins d’un cinquième de la dépense publique totale. À première vue, on pourrait penser que l’effort demandé est marginal. D’autant que les collectivités locales, contrairement à l’État ou à la Sécurité sociale, sont soumises à une règle d’or: elles ne peuvent pas financer leurs dépenses courantes à crédit.

Mais dans la pratique, dès que l’État relâche la pression, la tentation est grande pour les collectivités de rallumer les chaudières. On l’a vu par le passé: François Hollande avait réduit les dotations en 2012. Emmanuel Macron avait ensuite instauré les fameux contrats de Cahors — un deal clair avec un maintien des dotations contre une limitation de la hausse des dépenses. Résultat: 13 milliards d’euros d’économies en cinq ans. Rien de brutal, mais une trajectoire tenue.

Depuis 2022? Silence radio. Elisabeth Borne a enterré les contrats de Cahors sous les applaudissements du Congrès des maires. Deux ans plus tard, l’addition est salée: en 2024, les dépenses de fonctionnement des collectivités ont flambé comme jamais depuis dix ans, avec une explosion des frais de personnel et des charges externes. Et pendant ce temps, les recettes progressent moitié moins vite. Résultat: un dérapage de 10,7 milliards d’euros des finances locales.

Dialogue ou discipline: il faut choisir

Bien sûr, les collectivités ont des arguments: inflation, revalorisation du point d’indice des fonctionnaires, nouvelles normes imposées par l’État, missions sociales croissantes... Le contexte pèse. Mais il faut aussi regarder la réalité en face: certaines embauches sont politiques, certains budgets relèvent du clientélisme local, et la dépense augmente parfois bien au-delà de ce que justifie la conjoncture.

Les élus locaux ne peuvent pas faire grimper leurs budgets deux fois plus vite que l’inflation sans conséquence. À un moment, c’est toujours le contribuable qui paie.

Alors non, il ne s’agit pas de mettre les collectivités sous tutelle. Mais il va falloir redéfinir des règles claires, et probablement remettre en place une version modernisée des contrats de Cahors. Parce qu’à 15 milliards d’euros de déficit local, on parle d’un demi-point de PIB. Et quand on flirte déjà avec les 6% de déficit public, chaque point, chaque milliard compte.

Raphaël Legendre