BFM Business
Economie

Quatorzaine, chômage partiel pour les parents... Un vrai casse-tête pour les entreprises

Des gens portant des masques de protection attendent de pouvoir passer un test au Covid-19 dans un laboratoire parisien, le 29 août 2020

Des gens portant des masques de protection attendent de pouvoir passer un test au Covid-19 dans un laboratoire parisien, le 29 août 2020 - Christophe ARCHAMBAULT © 2019 AFP

Après avoir digéré le confinement du printemps, les entreprises, essentiellement les plus petites, s'effraient de voir de plus en plus de salariés devoir retourner à la maison pour cause de test positif ou d'écoles fermées.

Les entreprises vont continuer à être mises à rude épreuve dans les prochaines semaines. Après avoir mis en place et digéré une vraie révolution culturelle, technique et organisationnelle avec la généralisation du télétravail pendant le confinement, la deuxième vague de l'épidémie de coronavirus pourrait à nouveau les pousser dans leurs retranchements.

Elles doivent en effet faire face à la hausse exponentielle de salariés qui se font tester, et qui risquent donc de se retrouver en "quatorzaine". Aux fermetures d'écoles qui pourraient se multiplier forçant donc un des deux parents à rester à la maison grâce au retour du télétravail ou du chômage partiel.

"C'est déjà compliqué..."

Et alors que le gouvernement assure que le protocole sanitaire mis en place dans les entreprises permet de travailler en toute sécurité, les chefs d'entreprise, surtout des plus petites, pourraient faire face à une seconde vague, celle d'une nouvelle désorganisation néfaste pour leur activité.

"Pour le moment, les chefs d'entreprise sont concentrés sur la relance, donc ils foncent. Mais les salariés commencent à se poser des questions, notamment avec les enfants. La situation est déjà compliquée avec l'application du protocole sanitaire et cela risque de se compliquer plus", confirme pour BFM Business, Stéphanie Pauzat, vice-présidente déléguée de la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises).

Et de rappeler: "Dans une PME, dès qu'un salarié est absent c'est dur, quand il y en a deux ou trois, ça devient très compliqué, ça peut vite être le désert dans l'entreprise" et en fonction de son secteur, l'activité peut tout simplement être paralysée.

Plus de tests=plus de mises en "quatorzaine"

Depuis que les tests peuvent être réalisés sans prescription médicale, les Français se bousculent devant les laboratoires. Trois, quatre, cinq heures sont désormais nécessaires pour se faire tester et les délais s'allongent pour obtenir les résultats. Et mécaniquement, le nombre de cas positifs explose, entraînant des mises en "quatorzaine" pour de nombreux salariés.

Les conséquences sont clairement palpables dans les PME et les ETI. "Nous avons de gros problèmes d'organisation dans beaucoup de petites entreprises", se désole ainsi François Asselin, président de la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises).

Parfois 10 jours d'attente pour passer des tests

"Le problème, ce sont les délais, ajoute Stéphanie Pauzat. En cas de suspicion de cas contact, le salarié doit attendre chez lui pour faire le test, dans certaines régions cela prend 10 jours. Alors il peut télétravailler mais le télétravail ne fonctionne pas pour toutes les fonctions comme les salariés qui doivent aller sur le terrain. Ensuite il doit attendre le résultat qui peut prendre plusieurs jours, là encore il n'est pas dans l'entreprise et doit encore attendre un peu après avoir reçu un résultat négatif".

L'organisation regrette aussi que le traçage des cas contacts par les autorités de santé soit, "en pratique, loin d'être systématique", ce qui conduit l'employeur lui-même "à prendre les mesures d'isolement qui s'imposent en se basant sur les seules déclarations des salariés". Et cela peut vite concerner beaucoup de salariés en même temps suite à un seul cas avéré.

L'isolement réduit à 7 jours

La solution, généraliser les tests rapides, ce que promet le gouvernement."Si on arrive à les sortir, la situation devrait s'améliorer", estime Stéphanie Pauzat. Tout comme le passage à 7 jours de l'isolement, une mesure que devrait valider ce vendredi le gouvernement sur avis favorable du Conseil scientifique. Même si le gouvernement s'en défend, cette mesure facilitera le retour à une activité normale dans les entreprises.

"Ce serait un petit bol d'air pour les entreprises en termes d'organisation qui serait bienvenu", souligne François Asselin de la CPME.

D'autant plus que la quatorzaine a montré ces limites. "Aujourd’hui, les personnes mises en quatorzaine ne sont souvent pas ou plus contagieuses – rappelons que la contagiosité chute 7 jours après le début des symptômes. Une analyse publiée par le New-York Times le 29 août estime que, sur des ensembles de cas testés positifs – et donc placés en isolement - cet été sur la côte Est des Etats-Unis, 90% n’étaient pas contagieux…", explique pour Industrie et Technologies, le docteur Yvon Le Flohic, médecin généraliste et ancien membre de la cellule de veille épidémiologique de la grippe H1N1.

Retour du chômage partiel pour les parents

Les salariés contraints de garder chez eux leurs enfants en raison de la fermeture de leur crèche, école ou collège ou encore lorsque leurs enfants sont identifiés comme étant cas-contact de personnes infectées, seront indemnisés.

Le gouvernement réactive en fait le dispositif de chômage partiel qui prévalait avant les vacances scolaires d'été.

Mais le dispositif est assorti de plusieurs restrictions. Cette indemnisation pourra bénéficier à un seul parent par foyer, et uniquement en cas d'incapacité totale de télétravail des deux parents.

Donc au mieux, une entreprise devra composer avec des salariés en télétravail devant en même temps s'occuper seuls d'enfants (ce qui relève parfois de l'impossible) ou au pire, avec des salariés (re)mis en chômage partiel.

Des salariés épuisés par le télétravail et la garde d'enfants

"C'est une bonne chose d'avoir trouver une solution pour les parents, juge Stéphanie Pauzat. Mais cela va poser des difficultés supplémentaires dans l'entreprise avec des ouvertures/fermetures d'écoles qui risquent de devenir récurrentes, ça va forcément poser des problèmes d'organisation".

Et ces difficultés pèsent souvent sur les salariées. "Travailler avec un enfant en bas âge a de multiples impacts. Après le confinement, nous avons eu des retours de salariées épuisées car elles doivent tout gérer, alerte Stéphanie Pauzat. Ce n'est ni confortable pour l'employeur, ni pour le salarié".

Un retour au télétravail forcé pourrait donc être mal vécu par les salariés concernés et clairement pénaliser les PME dont l'objectif premier est aujourd'hui de garder la tête hors de l'eau.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business