Pourquoi Nice a dû attendre 20 ans pour avoir son Ikea?
Paris, Marseille, Lyon, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Montpellier, Strasbourg... Depuis son arrivée dans l'Hexagone en 1981, Ikea a fait en sorte de mailler le territoire en ouvrant un, voire parfois plusieurs magasins (l'Ile-de-France en dénombre six), à proximité des plus grandes villes françaises. Une stratégie qui a permis à Ikea de faire de la France son troisième marché avec 7,7% de son activité mondiale derrière l'Allemagne (14,2%) et les Etats-Unis (13,4%), mais devant le Royaume-Uni (6%) et la Chine (5%).
Mais à l'image de la carte de l'Armorique dans les albums d'Astérix, un territoire -et non des moindres- semblait résister encore et toujours à "l'envahisseur": les Alpes-Maritimes. Le géant suédois qui possède 34 magasins en France et qui a réalisé 2,9 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2021 ne possédait avant ce mercredi 11 mai pas de grand magasin à proximité de Nice. Une exception d'autant plus étonnante que les Alpes-Maritimes sont le cinquième département le plus riche de France (21.700 euros en moyenne par an de pouvoir d'achat) avec un urbanisme très développé.
Les habitants qui voulaient se rendre chez Ikea devaient jusqu'à cette semaine faire 1h30 de voiture pour aller jusqu'à Toulon ou payer des frais de livraison élevés.
Mais si Ikea n'était pas présent à Nice ce n'est pas faute d'avoir essayé. Cela fait plus de 20 ans que la filiale française du suédois a la ville sur ses tablettes. Mais d'échecs en reports en passant par des recours et autant de polémiques, le groupe a mis deux décennies pour s'implanter dans le département.
L'opposition d'un maire
C'est en 2002 qu'Ikea après avoir ouvert à Toulon et Nantes ses 12ème et 13ème magasins français jette son dévolu sur Nice. Il repère un terrain à Cagnes-sur-Mer qu'il achète avant de finalement renoncer devant la complexité du projet. A proximité d'un château, le magasin devait soumettre son idée à l'architecte des Bâtiments de France.
Qu'à cela ne tienne, en 2005 le groupe repère un autre terrain au nord de Mougins (au nord de Cannes). Le promoteur Alterea veut lancer un centre commercial de 32.000 m² avec Ikea en navire amiral. Le patron de l'époque de l'enseigne en fait sa priorité numéro 1 et évoque une ouverture en 2010. Mais le maire de la commune voisine de Mouans-Sartoux craint un engorgement de ses routes et une concurrence pour ses commerces. Il réussit à faire capoter le projet. La commission nationale d'équipement commercial s'oppose en 2007 à la création de cet Ikea.
Christian Estrosi qui est alors président du département se démène pour trouver un terrain au groupe. Ce sera au Broc dans l'arrière-pays niçois. Mais le distributeur ne retient pas l'idée et préfère revenir sur Mougins.
Le promoteur propose un nouveau projet plus petit et mieux desservi par les grands axes avec un tunnel. Projet de nouveau retoqué par la Commission nationale d'aménagement commercial (qui a changé de nom entre temps d'ailleurs) en juin 2010.

Après huit ans d'échec, Ikea veut mettre la pression sur les autorités locales et menace d'ouvrir à Vintimille de l'autre côté de la frontière italienne. Sur un vaste terrain de 30 hectares, Ikea projette l'ouverture d'un magasin géant de 75.000 m² beaucoup plus grand que celui envisagé à Mougins. Une menace d'expatriation qui n'aboutit pas, le groupe préfère rester de notre côté de la frontière.
Une association gèle le projet
En 2013, Christian Estrosi, entre temps élu maire de Nice, revient à la charge et signe une déclaration d'intention avec le patron d'Ikea Stefan Vanoverbeke pour l'implantation d'un magasin de 40.000 m² à Saint-Isidore entre Nice et son aéroport. Ouverture prévue en 2016. Mais le projet prend du retard, Ikea souhaitant un concept de magasin novateur qui ne ressemble plus aux éternelles "boîtes bleues". En 2015, Nice vend pour 21 millions d'euros son terrain à Ikea. Les premiers coups de pelles sont attendus pour septembre 2016, juste après l'Euro de football en France.
Entre alors en scène l'association "En Toute Franchise" connue pour ses recours contre les implantations commerciales. Elle conteste le projet auprès de la cour administrative d'appel de Marseille qui est gelé en attente de la décision de justice. Bouygues qui est le promoteur de ce centre commercial puis plus tard la Ville et la Métropole de Nice, attaquent à leur tour l'association pour obstruction et lui réclament plus de 22 millions d'euros de dommages et intérêts!
La juridiction administrative rejette finalement le recours de l'association en 2018 et les travaux débutent en octobre de cette année-là. L'ouverture est alors annoncée pour début 2021 au plus tard. Les travaux avancent bon train en 2019 quand la pandémie de Covid se déclenche. Confinements, livraisons de matériaux retardées... Les travaux prendront finalement un an de plus qu'initialement prévu.
En décembre 2021, une dernière réunion de chantier est organisée et la date du 11 mai 2022 est finalement annoncée. Soit près de 20 ans jour pour jour après la première annonce de l'Ikea niçois.
