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Pourquoi Carrefour a tenté de racheter Auchan

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Pour redevenir leader de la distribution et contrer l'arrivée de nouveaux acteurs, Carrefour va devoir passer par des rapprochements avec d'autres groupes. Mais les proies sont rares et difficilement absorbables.

Carrefour n'a pas besoin de mariage pour vivre. C'est en subtance le discours que martèle Alexandre Bompard son Pdg depuis l'échec de la fusion avec la canadien Couche-Tard.

"Pour nous, une consolidation majeure en France n’est pas à l’ordre du jour", affirmait-il clairement en février dernier dans Le Figaro.

Pas de besoin donc, mais peut-être une envie. Comme évoqué par Le Monde cette semaine, le numéro 2 français de la distribution a tenté de se rapprocher d'Auchan.

Et les discussions seraient allées assez loin. Des rencontres ont eu lieu au printemps et à l'été entre Alexandre Bompard et des membres de la famille Mulliez. Mais les discussions auraient achoppé sur la valorisation du groupe Auchan.

Si Carrefour a retrouvé le chemin de la croissance et de la rentabilité (il devrait dégager au minimum 1 milliard d'euros de cash-flow libre par an dès cette année), il n'est plus leader de la grande distribution en France depuis quelques années. Selon Kantar, le groupe Carrefour plafonne à 20% de parts de marché quand Leclerc frôle lui les 23%. Et cette place d'outsider ne plait pas à Alexandre Bompard. Reprendre 3 points à Leclerc pourrait prendre des années à Carrefour, voire ne jamais advenir.

"Avec Auchan, Carrefour redeviendrait un solide leader de la grande distribution en France, confie un proche du dossier. Il y aurait des possibilités de synergies notamment sur le e-commerce et le groupe a les moyens d'autofinancer son développement."

Un éventuel ensemble Carrefour-Auchan pèserait en effet entre 29 et 30% du marché français de la grande distribution. Ce qui en ferait de loin le leader français.

Alexandre Bompard estime que le paysage de la grande distribution est trop fragmenté en France. Carrefour (le premier groupe intégré) ne pèse en effet que 20% du marché. Au Royaume-Uni, Tesco est plutôt à 27%, tout comme Edeka en Allemagne et à peine moins pour Walmart aux Etats-Unis (26%).

Auchan, un joyau sur le déclin

Or avec la montée en puissance du e-commerce et l'arrivée de pléthore de nouvelles enseignes, les acteurs historiques se battent pour un gâteau qui stagne voire rétrécit. Les observateurs s'attendent dont à des concentrations dans les années à venir. Des alliances se sont déjà formées au niveau des achats, mais les distributeurs pourraient aller plus loin dans la consolidation pour réaliser plus de synergies et atteindre des tailles critiques de ventes.

Reste que ces consolidations sont très complexes en France. D'abord parce qu'une bonne partie des groupes de distribution en France sont des indépendants. C'est le cas de Leclerc, d'Intermarché ou de Système U. Pour Carrefour, les cibles sont donc limitées: Casino ou Auchan.

Si le premier a bien été approché, en vain, il y a quelques années, le second n'est pas une proie si facile.

Certes le groupe n'est pas au mieux depuis plusieurs années et ne semble pas avoir trouvé la solution à la crise de l'hypermarché.

"Auchan a longtemps été la cash machine de la famille Mulliez et le principal actif du groupe, rappelle Bertrand Gobin, auteur de La face cachée de l'empire Mulliez. Mais la part relative ne cesse de reculer depuis quelques années à la différence de Decathlon et d'Adeo (Leroy-Merlin)."

Sur les 86 milliards d'euros réalisés par les enseignes de l'Association Famille Mulliez (AFM), Auchan ne pèse plus que 37% de l'ensemble (31,6 milliards d'euros de chiffre d'affaires pour ELO ex-Auchan retail). A la fin des années 2000, Auchan représentait près de deux tiers de l'ensemble.

Une proie affaiblie mais pas facile à croquer du fait notamment de sa structure actionnariale. Si Gérard Mulliez (son fondateur) et sa proche famille détiennent personnellement aux alentours de 10% des titres du groupe familial, le reste du capital est détenu par des holding intermédiaires et des sociétés civiles elles-mêmes propriétés des membres de l'Association Famille Mulliez qui compte 800 membres.

Des membres qu'il faudrait convaincre de céder le joyau de la couronne.

"C'est le conseil de gérance de l'AFM qui a la main sur les cessions, explique Bertrand Gobin. Ils ont déjà cédé des activités comme les magasins Auchan en Chine et en Italie ou Les Trois Suisses. Mais jamais rien évidemment de la taille et de l'importance d'Auchan."

Carrefour devra trouver une autre promise pour rompre son célibat.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco