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Pour les 10 concerts d'Adele à Munich, un stade de 80.000 places a été construit: pourquoi c'est rentable

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A Munich, la chanteuse s'est fait bâtir une enceinte éphémère de 80.000 places. Mais avec le prix des tickets, les services offerts et le public attendu, tous les acteurs vont y gagner de l'argent.

Construire un stade pour une seule série de dix concerts? C'est le pari réussi - logistiquement parlant en tout cas - par la chanteuse Adèle et les promoteurs d'évènements Live Nation Germany et Austrian Leutgeb Entertainment Group, à l'origine du projet. A Munich en ce mois d'août, elle va enchaîner deux concerts par semaine, devant un public de 74.000 personnes à chaque fois.

Une aberration écologique, même si l'organisation souligne qu'elle pourra réutiliser une partie des sièges et du matériel employé pour la construction de l'enceinte. Mais une réalisation technique d'ampleur: une scène gigantesque, des animations et feux d'artifices, de multiples points de vente de boissons et autres goodies - un bar recréant l'ambiance d'un pub londonien où Adèle a démarré, un restaurant autour d'un manège - et surtout, un écran géant, le plus grand jamais construit, de 220 mètres de long et 30 mètres de haut. Le "Adele World" a la folie des grandeurs.

Des prix élevés, un calcul simple

Coût total? Entre 100 et 150 millions d'euros, dont 40 pour le seul écran, qui doit permettre notamment de bloquer le son venu de la ligne de métro avoisinante. Pour la mairie de Munich, néanmoins, l'affaire est bonne: aucun argent public n'a été dépensé pour le projet. Les autorités n'ont fait que mettre à disposition la zone réservée à l'Oktoberfest de l'automne.

Le record des bénéfices engendrés par une série de concerts est aujourd'hui détenu par U2, qui a donné 17 concerts dans la très futuriste salle The Sphere à Los Angeles et récupéré 110 millions de dollars (100 millions d'euros), l'année dernière. Le record d'affluence est lui détenu par Coldplay, avec 627.000 spectateurs pour dix dates données à Buenos Aires en 2022.

Deux records qui devraient donc tomber avec Adele à Munic : 95% des 750.000 billets mis sur le marché ont été vendus - et la vente 85% des billets suffirait à battre Coldplay. À des prix, par ailleurs, relativement élevés: s'il a été possible de trouver en dernière minute des tickets à 35 euros à peine, certains spectateurs ont déboursé plusieurs centaines d'euros pour leurs billets. À la vente officielle, lancée en février, il était possible de payer entre 79 euros pour les tickets de base, à plus de 1.000 euros pour des tickets VIP.

Il "suffit" d'une moyenne à 135 euros pour que les billets seuls ramènent plus d'argent que toute autre prestation musicale dans l'histoire, en dépassant les 100 millions d'euros. Cela, donc, sans compter les ventes parallèles, de merchandising, de boissons, de nourriture et autres activités proposées sur place.

La mode des méga-concerts

Pour la municipalité, les coûts sont donc nuls ou presque, et les retombées, lucratives. Clemens Baumgärtner, responsable économique de la ville de Munich, souligne d'abord que la construction et le démantèlement du stade seront effectués par quelque 700 Allemands; surtout, l'affluence va permettre de récupérer quelque 560 millions d'euros, du fait des arrivées touristiques. Munich a la particularité d'être une ville relativement petite en comparaison des grandes villes américaines habituées à ce genre d'évènements. Cela permet donc d'imaginer que la majorité des spectateurs viendront d'autres villes ou de l'étranger.

Les méga-concerts sont devenus la norme de l'industrie ces dernières années, et Live Nation, le numéro un du secteur, a déjà fait prospérer les tournées de Bruce Springsteen, Beyoncé et surtout Taylor Swift, qui a engendré des effets macroéconomiques aux Etats-Unis. Ces tournées des stades est particulièrement tendance aux Etats-Unis (+25,5% de "fans", à 23,2 millions, en 2023) mais gagne l'Europe.

Live Nation, qui a dégagé 6 milliards de dollars au deuxième trimestre, mise ainsi sur une croissance de 10% par an, et compte acheter 15 sites supplémentaires cette année. Il est même visé par les autorités américaines pour pratiques anticoncurrentielles: il regroupe l'organisation d'évènements et la vente de billets, avec le site Ticketmaster.

Plus largement, le tourisme musical pourrait doubler dans la décennie, selon une étude publiée cette semaine. La moitié des touristes se déplacent à l'étranger pour voir des concerts, et la majorité restent ensuite une ou plusieurs nuits. Une bonne nouvelle pour le secteur et pour les villes organisatrices. A défaut d'être une bonne nouvelle pour l'environnement, entre infrastructures non durables et déplacements en avion multipliés.

Valentin Grille