Pêche: pourquoi l'Union Européenne a rejeté l'interdiction du chalutage de fond

Les chalutiers peuvent toujours racler les fonds marins. En marge de l'adoption d'un rapport, sur l'économie de la mer, le Parlement Européen a récusé une interdiction pure et simple de cette pratique, décriée par les associations écologistes et pointée par les scientifiques comme polluante.
En lieu et place de cette potentielle interdiction globale, les parlementaires ont voté un amendement déposé par Pierre Karleskind, libéral du groupe Renew, restreignant le chalut de fond dans les "zones strictement protégées". Ce qui a fait la désolation de la députée écologiste Caroline Roose :
Les zones protégées au centre des discussions
La clé du débat porte sur la définition des zones nouvellement protégées par le texte. Ne seront exclues du chalut que les zones "strictement protégées", qui ne représentent qu'1% des eaux européennes. Le camp écologiste estime qu'elles étaient déjà protégées d'activités "néfastes" comme celle du chalut de fond.
Sont surtout exclues les aires marines protégées, où le chalut de fond est pratiqué, selon des ONG, dans 86% des cas à l'heure actuelle. Ces aires sont plus importantes, comme le rappelle Pierre Karleskind sur Twitter.
Le député Renew affirme que certaines de ces zones sont protégées pour d'autres raisons que la fragilité des fonds marins, comme pour la protection des oiseaux. Des raisons qui ne justifieraient pas une protection particulière contre le chalut.
Il s'appuie notamment sur la politique britannique dans le domaine : nos voisins ont décidé de maintenir des permis pour le chalut de fond dans la plupart de leurs aires marines, après des consultations scientifiques, et en dépit des critiques.
Un texte "trop radical" ?
Certains élus pointent les termes du débat eux-mêmes, comme le président de la commission de l'environnement Pascal Canfin (LREM, Renew), comme il l'a détaillé dans un post LinkedIn.
Comme le texte initial ne prend pas du tout en compte cette complexité et soutient une interdiction totale quelles que soient les circonstances, il n’aurait eu aucune chance de trouver une majorité en plénière."
Il estime en outre que le texte finalement adopté ne va pas assez loin, mais qu'il aurait été difficile de faire mieux. Face aux oppositions écologistes et aux lobbyistes de la pêche (le puissant Europêche invitait à ne voter aucune restriction quelle qu'elle soit), il a renoncé à déposer un amendement appelant à protéger toutes les zones où un constat appuyé scientifiquement le nécessiterait, et pour mobiliser l'European Maritime, Fisheries and Aquaculture Fund (EMFAF), un fonds spécialisé européen, pour indemniser les pêcheurs lésés.
26% de la pêche mondiale
Au-delà des débats politiques, le constat demeure inquiétant: le chalut de fond a des conséquences néfastes sur la biodiversité, en ne discriminant aucunement les espèces amassées en laissant trainer de longs filets au fond de l'eau.
En outre, la technique se répand comme une trainée de poudre. Minoritaire il y a quelques décennies, elle représente 26% de la pêche mondiale, selon un rapport récent piloté par l'ONG Fauna Flora. "Le chalut de fond représente 80 % des apports de poissons dans les ports français", souligne de façon encore fataliste Pierre Karleskind.
Outre la pêche en eaux profondes en Europe - limitée en 2016 par l'Union Européenne à une distance de 400 mètres des côtes contre 800 auparavant - la pratique se déporte aux larges des côtes dans les pays moins développés, où des puissances étrangères se livrent à une lutte pour s'approprier les ressources halieutiques.