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Logique financière, centralisation, profit... Ce que dit le rapport gouvernemental sur Orpea

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Après s'y être opposé, le gouvernement a finalement publié le rapport de l'IGAS-IGF sur la gestion de l'entreprise d'Ehpad Orpea et qui a conduit au dépôt d'une plainte fin mars.

Le gouvernement publie le rapport qui l'a poussé à saisir la justice au sujet du groupe d'Ehpad privés Orpea. Saisies le 1er février dans la foulée de la publication de l'ouvrage Les Fossoyeurs sur la maltraitance dans les maisons de retraite, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des finances (IGF) ont rendu en mars un rapport complet au ministère chargé de l'Autonomie sur le groupe Orpea, fruit de six semaines d'enquête.

Le rapport constate des dérives au sein du groupe français qui compte 228 établissements en France, 14.000 salariés et près de 27.400 résidents à fin 2021. Un groupe qui a réalisé 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2020 et qui a touché 360 millions d'euros de financements publics.

Le premier écueil concerne la logique financière de gestion des établissements. Le rapport pointe ainsi une gestion très centralisée de l'entreprise avec des marges de manoeuvre réduites pour les directeurs d'établissement et le personnel.

6000 euros de primes

"L’activité du directeur d’exploitation est encadrée par les très nombreuses procédures "qualité" du groupe et par le reporting budgétaire quotidien de l’établissement pour respecter les objectifs qui lui sont fixés en matière de masse salariale, de résultat net ou encore de taux d’occupation, indique le rapport. Cette pression exercée sur les directeurs d’exploitation pourrait contribuer à expliquer les départs du groupe sur ces fonctions (entre 10 et 15% des directeurs d’exploitation quittent le groupe chaque année), la proportion particulièrement élevée de leurs licenciements pour inaptitude (32% des licenciements recensés sur dix ans) et la fréquence des contentieux engagés sur ces licenciements."

Des directeurs qui seraient principalement motivés par leurs objectifs financiers. Le rapoort d'inspection évoque ainsi des primes semestrielles pouvant atteindre au cumul 6000 euros sur l'année ainsi qu'un bonus qui "accorde un poids dominant aux indicateurs financiers (chiffre d’affaires, masse salariale, marge opérationnelle), néanmoins modulés par l'atteinte d'objectifs de qualité."

Des objectifs qui n'ont plus cours au niveau des directions régionales, note le rapport.

"À la différence de ce qui prévaut pour les directeurs d’exploitation, l’attribution aux directeurs régionaux des primes et des bonus est fondée dans les deux cas sur la seule performance financière des établissements qu’ils supervisent", relèvent les inspecteurs.

Cette logique financière conduirait au dépassement dans un certain nombre de cas des capacités d'accueil. Des dépassements qui ne seraient pas si anecdotiques et qui se feraient au détriment de la qualité d'accueil.

"L’un des effets de ce management est le dépassement récurrent de la capacité d’accueil autorisée, pratique identifiée dans 11% des Ehpad du groupe en 2019, peut-on lire dans le rapport. En examinant la seule année 2019, la mission a identifié des situations de sur-occupation dans 25 Ehpad du groupe : Orpea a reconnu une situation non autorisée pour 20 d’entre eux et n’a pas pu produire de justification pour 5 autres."

Dans cette même logique de maximisation des profits, le rapport constate aussi une gestion des subventions publiques non conformes aux objectifs fixés par les autorités sanitaires pour financer les soins. La part "mise en réserve" correspond à près d’un mois de rémunération de l’ensemble des personnels financés sur la section soins, note le rapport.

Des aides publiques non dépensées

"Cette part "mise en réserve" finance à l’arrivée des dépenses supplémentaires au budget, prévues initialement ou non, et favorise également la constitution d’excédents dans la mesure où celle-ci n’est pas intégralement consommée, pointent les auteurs. Le montant total mis en réserve pour les Ehpad Orpea était de 20,1 millions d'euros en 2018, soit en moyenne 8,6% du forfait global relatif aux soins attribué au groupe Orpea cette même année. Sur ces 20,1 millions d'euros, seuls 6,8 millions d'euros ont été effectivement dépensés par Orpea conformément au code de l’action sociale et des familles, le reste ayant servi à des dépenses non-conformes ou à la constitution d’excédents."

Le gouvernement a annoncé le 26 mars qu'il allait porter plainte contre le groupe Orpea.

"Au regard de dysfonctionnements graves, nous sommes en mesure de vous dire que l'État porte plainte et saisit le procureur de la République" et "nous demandons la restitution" de dotations publiques présumées détournées de leurs fins, avait indiqué sur France Inter la ministre déléguée chargée de l'autonomie des personnes âgées, Brigitte Bourguignon.
Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco