"Le malaise des agriculteurs ce n'est pas le Mercosur": L'ancien patron de l'OMC juge que l'accord est favorable à la France

L'Assemblée nationale a très nettement rejetté ce mercredi l'accord avec le Mercosur. Un vote avant tout symbolique, juge l'ancien directeur général de l'OMC, invité ce mercredi sur BFM Business.
"Ça ne m'étonne pas beaucoup, explique-t-il. D'abord il n'y a pas d'accord pour l'instant. Le Parlement français vote sur quelque chose qui n'existe pas. Par ailleurs ce n'est pas le Parlement français qui est compétent en la matière, c'est le Parlement européen et le conseil des ministres."
Pour rappel, la France doit convaincre quatre pays européens représentant un minimum de 35% de la population de l'Union pour bloquer l'adoption de l'accord.
Au-delà de la question politique, l'ancien commissaire européen au commerce a expliqué sur BFM Business pourquoi il considérait que ce traité de libre-échange avec les quatre pays d'Amérique latine était "plutôt un bon accord pour les Européens et même un accord correct pour l'agriculture française".
"C'est un accord qui profitera à l'Union européenne qui a déjà une bonne place dans ce domaine, estime-t-il. Il ne faut pas laisser les Chinois occuper complètement l'Amérique latine comme d'ailleurs l'accord avec le Canada que la plupart des parlementaires français détestent alors qu'il est en vigueur depuis trois ans et qu'il donne d'excellents résultats même dans l'agriculture."
Faux problème sur le bœuf
Selon lui, des pans entiers de l'agriculture française profiteront de ce renforcement du commerce transatlantique qui plus dans un moment où les États-Unis font planer la menace d'une hausse des droits de douane sur les produits européens. Pascal Lamy cite ainsi les vins, les spiritueux, les produits d'indication protégée ou encore les fromages qui devraient profiter de l'accord avec le Mercosur.
"Il y a un problème sur la viande de bœuf, reconnait-il toutefois, mais il est à mon avis parfaitement circonscrit parce que ce qu'on ouvre ce sont des quotas, certaines quantités sur lesquelles les droits de douane vont baisser. Et si on dépasse la quantité le droit de douane remonte."
Pour autant, cet ancien proche de Jacques Delors ne minimise pas les craintes des agriculteurs français qui s'expriment depuis plusieurs mois maintenant dans leur opposition à l'accord avec le Mercorsur.
"Mon opinion c'est que le vrai problème [de cet accord] c'est l'agriculture française, son malaise, analyse-t-il. Les agriculteurs français sont mécontents parce qu'ils sont en train de perdre des parts de marché partout, surtout en Europe. Et ça n'a rien à voir avec le Mercosur. La France perd des parts de marché alors qu'elle était la première puissance agricole sur le marché européen et ça c'est un problème de compétitivité de l'industrie agroalimentaire française."
Depuis 2000, la part de marché du pays dans la production agricole européenne est en recul constant. La France, qui représentait 17,5% des exportations des pays de l’UE en 2000 n’en représente plus que 13%. Deuxième exportateur mondial de produits agricoles au début des années 2000, l'Hexagone est désormais au sixième rang, derrière l'Allemagne et les Pays-Bas.
"Le fond du problème c'est le gros malaise compréhensible de beaucoup d'agriculteurs qui voient bien qu'ils ne sont plus là où ils étaient il y a 10 ou 20 ans du point de vue de leurs marges et de la production, reconnaît Pascal Lamy. Parce que la politique agricole française -et c'est pas vrai pour les Allemands, ni pour les Belges, ni pour les Italiens- ce sont les Français qui l'ont amochée."
