Le fonds Ciam s’attaque au pétrolier Esso en France

Deux plaintes ont été déposées contre la filiale française d’Exxon. Le fonds activiste dénonce les relations commerciales entre les deux sociétés qui lèsent Esso au bénéfice seul de son propriétaire.

Le géant américain Exxon pille les résultats du Français Esso? C’est en tout cas ce que dénonce le fonds d’investissement Ciam qui est actionnaire minoritaire de la filiale française de la major américaine. Avec trois autre investisseurs, ils ont porté deux procédures devant la justice contre Esso. Dans son plaidoyer que BFM Business s’est procuré, leur avocat estime qu’il y a un"conflit d’intérêt manifeste" d’Exxon, à la fois actionnaire, client et fournisseur. Et qu’il agit au détriment d’Esso et de ses actionnaires minoritaires.

"Nous demandons une expertise indépendante sur les contrats d’achats et de revente de pétrole d’Esso à Exxon", explique Catherine Berjal qui dirige Ciam.

La Cour d’Appel de Versailles rendra le 20 octobre prochain son délibéré alors que les trois actionnaires ont déjà été déboutés en première instance fin 2021. Ils ont également saisi le Tribunal de Commerce qui tranchera en début d’année prochaine. Ciam et ses alliés pèsent un peu moins de 3% du capital d’Esso, coté à la Bourse de Paris. En face, Exxon détient 83% de sa filiale.

Des achats de pétrole au détriment d'Esso

Pour étayer son propos, Ciam se base sur les relations commerciales entre Esso et Exxon. Le premier achète tout son pétrole auprès de son principal actionnaire afin de le raffiner dans ses deux usines de Gravenchon, près du Havre, et Fos-sur-Mer.

En 2019, Esso a acheté pour plus de 7 milliards d’euros de pétrole à Exxon, sans divulguer le prix du baril appliqué... Les actionnaires minoritaires soupçonnent la major américaine de minimiser les revenus de sa filiale et de lui facturer des charges indues.

"Les acquisitions de pétrole auprès d’Exxon sont réalisées au détriment d’Esso, peut-on lire dans les conclusions de l’avocat. Esso «achète» du pétrole auprès d’Exxon en lui payant une commission". Alors que cette exclusivité d’approvisionnement devrait être payée par Exxon... Ensuite, "Esso paye l’acheminement du pétrole brut par navire. Si le cours a baissé avant le déchargement du navire, Esso revend le pétrole brut à Exxon à un prix inférieur", ajoute le rapport.

De la même manière, Ciam pointe du doigt les reventes de produits raffinés, comme des huiles ou du fioul, d’Esso à Exxon. En 2018 et 2019, Exxon a ainsi bénéficié de prix trois fois inférieur à ce qu’Esso facturait à ses clients. La filiale française soulignait toutefois que ces produits pouvaient avoir une qualité différente. "Nous demandons à connaitre les prix d’achat et de revente de pétrole et les prix de vente de produits raffinés à Exxon pour savoir s’ils correspondent aux prix de marché", explique Julien Visconti, l’avocat qui porte l’affaire devant la justice.

Retirer Esso de la Bourse

Contactée, la direction conteste ces accusations. "Nous avons des conventions intra-groupes qui sont fixées à des conditions de marché", explique une porte-parole qui rappelle que les commissaires aux comptes ont validé ces conventions. "Certains écarts de prix sont importants et constituent potentiellement des transferts de marge d’Esso vers son actionnaire majoritaire", rétorque Julien Visconti. Il estime que le manque à gagner s’élevait à plus d’un milliard d’euros en 2018.

Ils poussent Esso à dévoiler les détails de ses transactions avec Exxon qu’ils jugent "opaques". Un objectif utopique alors que la major américaine détient 83% d’Esso. Ciam vise plus certainement à pousser Exxon à retirer de la Bourse Esso et de racheter les actions des minoritaires. Le fonds estime qu’en valorisant au prix de marché les stocks de pétrole, Esso devrait valoir 1,5 milliard d'euros contre 500 millions aujourd'hui.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business