La France ne pèse plus que 3% du PIB mondial, elle est ciblée par Moscou comme son "premier adversaire": plus que la crise politique, c'est le monde qui tétanise les milieux économiques français

Emmanuel Macron et Vladimir Poutine lors d'une visioconférence en le 26 juin 2020. - MICHEL EULER / POOL / AFP
En trente ans, la planète compte quatre fois plus de conflits : environ 120 aujourd’hui contre une quarantaine en 1995, selon les données du CICR (Comité international de la Croix-Rouge). Fait nouveau, les crises ne se succèdent plus, elles s’empilent. Ce que l’ancien chef d’état-major des armées, Thierry Burkhard, décrivait comme "l’effet cliquet" : chaque nouvelle crise nous fait monter une marche dont nous ne redescendons plus.
4 fois plus de conflits dans le monde en 30 ans
Face à ces crises à répétition, le premier baromètre de l’Institut géopolitique de l’ESSEC, publié en septembre, montre des dirigeants d’entreprise tétanisés : 97 % disent avoir déjà subi un choc géopolitique. Ils avancent à vue dans un monde où l’aléa est omniprésent.
Pour les chefs d’entreprise, comme pour les investisseurs, l’incertitude vient de partout. L’aléa est commercial : les guerres tarifaires de Donald Trump percutent de plein fouet le commerce international. Les droits de douane américains sont passés de 2,3 % à 26,2 % en un an, du jamais vu depuis un siècle.
Chaque nouveau choc vient perturber les chaines d’approvisionnement. Dernier en date, vendredi, Pékin a durci ses contrôles sur les exportations de terres rares : tout produit ou technologie contenant plus de 0,1 % de matériaux chinois sera soumis à autorisation, affectant tout le secteur, de la tech à la défense. Donald Trump a immédiatement menacé de riposter avec de nouveaux droits de douane.
Le dollar sous la pression de Donald Trump
L’aléa est également devenu monétaire. La remise en cause de l’indépendance de la Fed par Donald Trump en est l’illustration la plus frappante : si la banque centrale américaine devait suivre sans garde-fous la politique de la Maison-Blanche, c’est potentiellement tout l’équilibre financier mondial qui serait remis en question.
Contrairement à Roosevelt, qui bénéficiait d'un consensus des économistes pour mener son New Deal dans les années 1930, Trump navigue à contre-courant. Il affiche ouvertement sa volonté d’affaiblir le dollar, coûte que coûte — une orientation qui inquiète nos exportateurs, déjà confrontés à des marchés volatils et imprévisibles.
La France, cible prioritaire de Moscou
L’aléa est aussi bien sûr militaire. En juillet, l’ancien chef d’état-major des Armées Thierry Burkhard alertait : "la Russie a désigné la France comme son premier adversaire en Europe", faisant de notre pays une cible prioritaire aux yeux de Vladimir Poutine. La menace russe se renforce à l’Est, et la guerre hybride menée par Moscou combine opérations militaires, sabotage et cyberguerre. En Allemagne, la menace est quasi quotidienne. Les infrastructures — lignes ferroviaires, terminaux énergétiques, réseaux électriques ou data centers — subisse des attaques ou tentatives d’intrusion, dont la moitié est imputée à des acteurs russes, selon plusieurs services de renseignement
La France ne pèse plus que 3 % du PIB mondial
Dans ce monde qui se complexifie et se brutalise, la France ne pèse plus que 3 % du PIB mondial, contre 5 % environ dans les années 1990. Surtout, l’épicentre stratégique et économique s’est déplacé de l’Occident vers la zone indo-pacifique. Cette région concentre 60 % de la croissance mondiale et représente 35 % du PIB global.
C’est là que transite la moitié du trafic mondial de conteneurs, et où Washington a pleinement opéré son pivot stratégique. Dans l’Indo-Pacifique, la Chine et le Japon gonflent leur budget militaire. Chaque mois, des exercices navals d’ampleur se multiplient autour de Taïwan tandis que les traités de défense se multiplient dans la zone.
Le contraste politique et budgétaire avec l’Allemagne est saisissant
Pour tenter de résister à tous ces chocs, l’Allemagne tente de provoquer son propre choc de compétivité. A Berlin, la grande coalition CDU/CSU-SPD, fragile mais fonctionnelle, vient d’adopter un plan massif d’investissements publics : 120 milliards d’euros par an consacrés aux infrastructures, à l’industrie, à l’énergie, et à la défense
Le contraste avec la France qui peine à trouver un cap et un budget est saisissant. En Allemagne, la majorité parlementaire est très faible, de seulement 13 voix. Malgré tout, la coalition fonctionne pour l’heure, portée par l’urgence économique