La France, lanterne rouge de la banque numérique

Image d'illustration - Selon une étude, la majorité des souscriptions de produits bancaires ont encore lieu en agence en France, contrairement aux pays voisins qui passent beaucoup par les services en ligne. - Unsplash
Pousser la porte d’une agence pour aller souscrire un crédit auprès de sa ou de son conseiller bancaire représentera-t-il bientôt un vestige à peu près partout ailleurs qu’en France? C’est ce que l’on est invité à envisager à la lecture de la Seizième édition du Radar européen de Kearney sur la banque de détail, couvrant les performances de près de 90 banques sur 21 marchés nationaux.
Les clients français, fidèles à leur banque de détail
L’année dernière et pour la première fois, constate Kearney, plus de la moitié (52 %) de toutes les interactions des clients avec leur banque - de la recherche à l'achat de nouveaux produits - ont entièrement été réalisées en ligne. Jusqu’ici, les canaux numériques jouaient un rôle important dans la recherche de produits mais l’achat et la signature du contrat se déroulaient encore souvent en agence. Désormais, il n’y a pratiquement plus d’écart. Les prêts immobiliers constituent la seule exception: moins d’un tiers des clients (28 %) effectuent des recherches et achètent en ligne.
La seule exception? Il en existe une autre: la France, seul pays d’Europe où la majorité des souscriptions de produits bancaires (55%) ont encore lieu en agence, contre 32% en Allemagne et 22% au Royaume-Uni. La part des centres d’appel y est également relativement importante, quoiqu’en forte baisse comme partout (sauf en Suède).
Ces données sont d’une grande importance. Le modèle classique de la banque de détail est – sauf encore en France – définitivement passé. Désormais, au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas, l’essentiel de l’activité bancaire ne nécessite plus d’interaction humaine. Et l’on va vers un système de plus en plus ouvert.
Plus de 10% des offres souscrites en ligne en Italie, en Allemagne ou en Suède
En phase de recherche et d’information, les conseillers bancaires en agence sont consultés par 25% des clients en France. Nulle part ailleurs ce taux n’atteint 20%. En Autriche, en Allemagne ou aux Pays-Bas, ils sont même moins sollicités que les réseaux sociaux. Un quart des clients consultent les sites comparatifs de produits financiers en Allemagne ou au Royaume-Uni (ce choix des plateformes de comparaison de prix peut s'expliquer par leur large adoption pour d'autres produits d'abonnement tels que les forfaits d'électricité, de gaz ou de téléphonie mobile).
La part des particuliers qui souscrivent des offres directement sur ces sites atteint 13% en Italie, 14% en Allemagne, 15% au Royaume-Uni et 16 % en Suède – contre 4% en France, le dernier pays dont les banques ont encore des clients très captifs. Le radar Kearney souligne également le boom en Europe des interactions avec des conseillers financiers indépendants. Ces consultations ont augmenté de 50% en un an et sont particulièrement appréciées aux Pays-Bas et en République tchèque. Le phénomène demeure quasi inexistant en France.
Clients de plusieurs banques
Dans ce modèle de plus en plus ouvert, la multibancarisation est en train de devenir la règle. Dans toute l’Europe, 25% des particuliers sont aujourd’hui clients d’une banque en ligne ou d’une néobanque (18% en France). Mais il y a de fortes nuances. Le taux atteint 38% en Suède mais seulement 14% en Hollande, où les banques classiques semblent avoir particulièrement bien géré leur transformation. Seulement 3% des Hollandais ont leur compte principal dans une banque en ligne ou une néobanque, contre 7% en France et 18% en Allemagne. Toutefois, comme nous l’avons précédemment signalé, le choix d’une autre banque est surtout décidé non par le compte courant mais par les solutions d’épargne.
Dernière singularité française: plus de 5 agences bancaires pour 10 000 habitants. L’Autriche et l’Europe du Sud comptent encore de nombreuses agences mais pas plus de 4 pour 10.000 habitants. La moyenne européenne est de 2,28 agences. Conséquence: alors que le coefficient d’exploitation moyen des banques en Europe atteint 49%, il est de 73% en France.
On ne peut donc dire que les banques françaises ont choisi de consolider un modèle particulièrement rentable. Tout au contraire, nous l’avons plusieurs fois souligné dans ces colonnes, depuis la remontée des taux, les résultats des banques de détail françaises sont inquiétants. Aujourd’hui, l’impression est plutôt que celles-ci se sont enfermées dans un attentisme qui ne pourra plus être longtemps maintenu, sauf à obliger à terme à des décisions douloureuses et à des choix drastiques.