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Les banques de détail françaises sont-elles vraiment en train du sortir du marasme?

Cette photographie montre le logo de la banque Société Générale fixé à l'extérieur de la banque, à Nantes, dans l'ouest de la France, le 4 juillet 2024. (Illustration)

Cette photographie montre le logo de la banque Société Générale fixé à l'extérieur de la banque, à Nantes, dans l'ouest de la France, le 4 juillet 2024. (Illustration) - Sebastien Salom-Gomis / AFP

[AVIS D'EXPERT] Après de mauvais résultats ces derniers trimestres, les banques de détail françaises redressent-elles la tête? C’est ce qui a été annoncé et ce que l’on peut croire avec les résultats du troisième trimestre 2024 de Société Générale.

Rappelons que la brutale remontée des taux d’intérêt ces dernières années a représenté une fort mauvaise surprise pour les banques de détail, dont les encours, surtout à long terme, portaient des taux nettement inférieurs; tandis que les nouvelles conditions du crédit provoquaient un retournement du marché immobilier. Toutefois, il est attendu qu’avec le nouveau niveau des taux les banques restaurent leurs marges au fil du renouvellement des crédits.

Or, dès aujourd’hui, pour Société Générale, le redressement est spectaculaire: la marge nette d’intérêt de la Banque de détail en France, Banque Privée et Assurances bondit de +43% par rapport au troisième trimestre 2023 et le produit net bancaire (PNB) progresse de plus de 10%, à 6,8 milliards d’euros.

Comment expliquer un tel redressement

Regardons néanmoins les choses d’un peu plus près. S’il s’agit là d’un effet dû à la remontée des taux, on peut se demander pourquoi BNP Paribas, dans les mêmes conditions, n’en a pas profité: en France, les revenus d’intérêt n’ont en effet progressé que de 1,7% au T3 2024 pour sa banque de détail, dont le PNB régresse de 2,6% par rapport au troisième trimestre 2023. Pour BNP Paribas, l’activité crédit est quasiment atone et Société Générale reconnait également, dans son cas, que le contexte est toujours "attentiste".

Le fort redressement des marges, pour Société Générale, semble donc surtout tenir à l’abandon des opérations de couverture d’intérêt, que l’établissement mettait en avant l’année dernière pour expliquer la forte dégradation de son PNB (-15%) en banque de détail.

Société Générale n’en réussit pas moins une petite performance: le PNB trimestriel de sa banque de détail retrouve son niveau de 2022. Ce n’est pas du tout le cas de BNP Paribas. Et il conviendra donc d’être attentif aux prochaines communications de résultats des autres groupes bancaires français car, au premier semestre 2024, la plupart enregistraient des revenus nettement en baisse par rapport à 2022, voire 2019.

Si tel est toujours le cas, faudra-t-il envisager un affaissement durable des grandes banques de détail en France? Contre un tel jugement, on ne peut manquer de souligner que les banques de détail pâtissent du contexte économique difficile, notamment dans le domaine immobilier, de sorte qu’il ne s’agit sans doute que d’une mauvaise passe.

Toutefois, peut-on parier aujourd’hui sur un redressement rapide de ce contexte? Lequel fragilise les banques alors même que d’autres signaux, moins conjoncturels, paraissent inquiétants.

La concurrence des banques en ligne

Dès 2018, des sondages montraient que, s’ils devaient ouvrir un compte bancaire, une majorité de Français choisiraient une banque en ligne. Or c’est bien ce qu’il s’est passé depuis lors. Sans trop inquiéter les banques classiques cependant: après tout, la plupart des banques en ligne françaises leur appartiennent et, ceux qui en deviennent clients n’en font pas majoritairement leur compte principal (sur lequel ils domicilient leur revenu principal). Ils sont souvent d’abord attirés par les généreux "cadeaux" d’ouverture, faisant supporter aux banques en ligne un coût d’acquisition client élevé qui les pénalise.

Un tel jugement est bien trop court cependant. Car avec la faveur dont bénéficient les banques numériques, la multi-bancarisation est en train de devenir la règle et, de plus en plus, pour leur gestion de compte courante, les clients sont tentés de privilégier des banques numériques nettement moins chères. En fait, ce dernier argument lui-même est à présent dépassé.

Un peu partout, des banques numériques sont devenues de véritables marques: BoursoBank en France, Monzo au Royaume-Uni, NuBank au Brésil, Chime et SoFi aux Etats-Unis. Leur nom suffit à susciter l’adhésion. Les clients veulent ces marques et n’arbitrent plus entre les différentes enseignes comparables. Phénomène tout à fait nouveau: on voit même émerger de nouvelles marques bancaires internationales. Bunq, N26 et surtout Revolut qui se retrouve désormais n°1 des ouvertures de comptes bancaires dans certains pays d’Europe où la très jeune néobanque n’a quasiment pas développé de présence!

On compte que la remontée des taux restaure les marges des banques mais, pour le présent, elle limite surtout leurs activités de crédit en rendant ce dernier inaccessible à de nombreux clients. Or ces activités de crédit représentent pourtant leur principale force face aux néobanques. Dans ces conditions, attendre que les choses s’améliorent comme d’elles-mêmes revient peut-être surtout pour les banques de détail à contourner le constat que des changements profonds s’imposent (et, non, le recours à l’IA n’y suffira pas!).

Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor