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L'activité économique à la peine au mois d'août, en France comme en Europe

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L'indice PMI, qui mesure l'activité, recule. La France s'en tire mieux que ses voisins européens dans l'emploi, mais partout, les chiffres témoignent d'un ralentissement causé par la politique monétaire de la FED et de la BCE.

L'Hexagone s'essoufle. L'indice PMI ("purchasing managers index"), qui mesure par une enquête le niveau d'activité, stagne pour le mois d'août, se maintenant à 46,6% après un mois de juillet déjà marqué par une baisse. Au-deçà de 50 points, l'index décrit en effet une contraction de l'économie. Le constat est identique en Europe: l'indice d’activité pour la zone euro se replie à 47, soit 1,6 point de moins qu’en juillet, et un plus bas depuis près de trois ans.

Les services ralentissent

Surtout, si l'industrie manufacturière demeure sans surprise la mauvaise élève, la contagion s’étend aux services, qui s’enrhument à leur tour: ils pointent à 46,7 points, leur plus bas niveau depuis 30 mois, et le troisième mois consécutif de baisse. Un facteur à prendre en compte, selon Philippe Waechter, chef économiste chez Ostrum Asset Management, invité de BFM Business ce mercredi soir: "La dynamique des services, qui maintenait l’indicateur vers le haut, s’est cassée en France, en Allemagne et dans la zone Euro. Cela tire tout vers le bas car l’industrie manufacturière n’allait pas très bien".

"On ne peut plus exclure un fort risque de récession en deuxième partie d’année, du fait du ralentissement des services", poursuit Philippe Waechter.

L'emploi est la deuxième variable d'inquiétude: si les effectifs continuent de s'étoffer en France ces dernières semaines, ils le font à moindre rythme. Et si les entreprises vivent encore sur leurs contrats en attente, la baisse d'activité attendue aura des conséquences sur le recrutement rapidement.

"C’est un coup d’arrêt préoccupant sur le marché du travail, car les ménages ne s’inquiétaient jusqu’ici que de leur consommation, pas de leur emploi", prévient Philippe Waechter.

La France pourrait donc connaître la fin du beau printemps connu au deuxième trimestre, où le PIB avait fait mieux que résisté, s'adjugeant une hausse de 0,5%. Toujours moins rude que la trajectoire du reste de l'Europe: ailleurs, les embauches sont déjà en souffrance, et l'enquête PMI relève "l’affaiblissement de la demande et le repli des perspectives d’activité à douze mois."

Le Royaume-Uni flanche, les Etats-Unis stagnent

De l'autre côté de la Manche, le Royaume-Uni connaît une situation différente, avec un mois d'août en baisse (47,9 contre 50,8 en juillet), mais qui se trouve être la première contraction économique depuis six mois. L'inflation devrait s'y maintenir à un niveau modéré, selon S&P (qui publie les chiffres PMI), et la baisse de la consommation associée, combinée au déclin des exportations, doit faire chuter l'activité pour le mois d'août. La Banque d'Angleterre a d'ailleurs procédé à un 14e relèvement de son taux directeur début août, le portant à 5,25%, pour tenter de calmer la flambée des prix.

Les Etats-Unis vivent de leur côté une période plus saine, sans être faste: l'index PMI s'y maintient juste au-dessus de la barre des 50 points, à 50,4 en août contre 50,2 en juillet. Mais l'industrie manufacturière s'enterre elle de façon pérenne sous ce niveau, quand les services perdent plus d'un point, pour atterir à 51 en août.

Surtout, l'inflation est payée par les entreprises: S&P relève que les pressions inflationnistes (matériaux, énergie) ont augmenté, mais que les efforts pour rester compétitifs des compagnies les ont effacé. D'où une situation paradoxale d'inflation de retour, sans impact sur la croissance ni sur les prix, comme la décrit Philippe Waechter.

"La conjoncture américaine est très complexe. Les indicateurs n’ont pas une belle allure, mais la prévision trimestrielle concernant le PIB est à 1,5% de croissance. On a des visions très diverses, sur place, de l’évolution de l’économie américaine. Un certain nombre de gouverneurs de la FED souhaitent ainsi encore redresser les taux pour éviter les tensions sur l’économie américaine."

Powell et Lagarde à Jackson Hole vendredi

Car difficile de masquer, en effet, la responsabilité des politiques de taux menées depuis un an et demi par les banques centrales européenne et américaine, sur l'activité économique: la BCE a relevé fin juillet ses taux de 0,25 point pour la neuvième fois d'affilée, les amenant à plus de 4%, quand la FED a enchainé sa onzième hausse de taux au même moment, avec une fourchette de taux placée entre 5,25 et 5,5%, du jamais vu depuis la crise financière de 2008.

Cette politique de taux peine à infléchir l'inflation, marquée à 3,2% aux Etats-Unis en juillet après avoir atteint 3% en juin; dans la zone Euro, elle stagnait à 5,3% contre 5,5% en juin. Surtout, elle a pour en effet de ralentir la consommation, et de rendre plus difficile les crédits et le financement de l'économie. Jerome Powell et Christine Lagarde sont donc très attendus en cette fin de semaine à Jackson Hole (Wyoming, Etats-Unis) pour la réunion annuelle des banquiers centraux. Leurs discours respectifs, vendredi matin, pourraient -ou non- amorcer un revirement face au risque de ralentissement économique en vue.

Valentin Grille