Trump menace, veut imposer des taxes à 25% mais l'Inde reste inflexible: pourquoi Modi semble être le seul à ne pas craindre le président américain

Donald Trump en conférence de presse avec le Premier ministre indien Narendra Modi, à la Maison Blanche, le 13 février 2025. - Andrew Harnik / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP
Le président américain Donald Trump a annoncé sur sa plateforme Truth Social que les produits indiens feront l'objet de 25% de droits de douane à leur arrivée aux États-Unis à compter du 1er août, ajoutant qu'une "pénalité" sera ajoutée pour l'achat de pétrole russe.
"Nous faisons peu de commerce avec eux car leurs droits de douane sont parmi les plus élevés au monde et les barrières non tarifaires les plus fatigantes et odieuses", a justifié Donald Trump dans son message.
"Nous avons un déficit commercial massif avec l'Inde!" a souligné le locataire de la Maison Blanche.
Mais l'Inde a également "acheté une majorité de (ses) équipements militaires à la Russie et sont les principaux clients de pétrole russe, avec la Chine, alors que tout le monde souhaite que la Russie cesse de tuer en Ukraine".
Une situation qui justifie, aux yeux du président américain, "une pénalité", qui viendra s'ajouter aux 25%, sans plus de spécification, et qui interviendra également à partir du 1er août.
New Delhi ne cède pas
Ce nouveau tarif imposé sur les produits indiens représente une baisse symbolique d'un point de pourcentage par rapport aux 26% dévoilés initialement début avril, à l'occasion de l'annonce des droits de douane présentés improprement comme étant "réciproques" par Donald Trump.
Mardi le président américain avait déjà donné un indice en soulignant que les droits de douane sur les produits "made in India" pourraient se situer entre 20 et 25%, ajoutant cependant qu'un accord était toujours possible.
New Delhi et Washington ont lancé depuis plusieurs mois des négociations en vue d'un accord commercial, sans résultat jusqu'ici, l'Inde ne souhaitant notamment pas ouvrir totalement son marché aux produits agricoles américains.
"L'Inde et les États-Unis sont en négociations depuis quelques mois pour conclure un accord commercial bilatéral équitable, équilibré et mutuellement bénéfique. Nous restons engagés à atteindre cet objectif", a souligné le gouvernement indien dans un communiqué.
Mais jusqu'à présent l'Inde ne cède pas. À la différence du Royaume-Uni, du Japon ou de l'UE qui paraissent se soumettre à la volonté du président américain, Narendra Modi lui est inflexible. Les exportations indiennes vers les États-Unis ne représentent qu’une faible part de son économie même si elles s'élèvent à 87,4 milliards de dollars selon le gouvernement américain. Et New Delhi, elle, ne veut surtout pas assouplir ses barrières à l'entrée, notamment en ouvrant son secteur agricole aux entreprises américaines. New Delhi privilégie avant tout son intérêt national.
"L’Inde pourrait céder un peu, mais les chances que cela se produise ne sont pas très grandes, car les lignes rouges de l’Inde sont très claires dans l’agriculture, en particulier les aliments génétiquement modifiés et les produits laitiers, il n’y a aucune possibilité de revenir en arrière", a estimé sur CNBC Jayant Dasgupta, ancien ambassadeur de l’Inde auprès de l’Organisation mondiale du commerce.
Principal client du pétrole russe
L'autre point qui agace Washington c'est l'achat de pétrole à la Russie. Sur lequel là encore l'Inde ne compte pas reculer.
"Là où nous avons besoin de clarté, c'est au sujet de cette pénalité. Est-ce une menace, si l'Inde continue à importer du pétrole russe nous serons frappés par une pénalité? Et sur certains produits ou tous?", s'est interrogé le directeur général de la Fédération indienne des organisations exportatrices, Ajay Sahai.
L'Inde est en effet considérée comme étant l'un des principaux clients du pétrole russe, pourtant sous sanction, mais une aubaine du point de vue de New Delhi, qui profite d'un prix d'achat moins élevé alors que Moscou cherche à financer son effort de guerre en Ukraine.
Or le président américain a durci le ton ces derniers jours, frustré par l'absence de progrès en vue d'un possible accord de paix entre la Russie et l'Ukraine, et accusant de plus en plus ouvertement son homologue russe, Vladimir Poutine, de ne pas chercher à mettre fin au conflit.
Donald Trump menace désormais les pays achetant du pétrole russe, mais également iranien, de sanctions "secondaires", qui prendraient la forme de droits de douane supplémentaires sur les produits provenant de ces pays.
La Chine et l'Inde sont parmi les premiers acheteurs de pétrole russe.
Dans la foulée, Donald Trump a annoncé un accord avec le Pakistan pour "développer leurs immenses réserves de pétrole", sans plus de précision, ajoutant que "peut-être vendront-ils un jour du pétrole à l'Inde!".
Stratégique pour contrecarrer la Chine
Dernier point enfin en faveur de l'Inde: le pays se sait en position stratégique dans la région pour contrecarrer la domination chinoise.
"D’un point de vue stratégique, les États-Unis n’ont guère intérêt à s’aliéner l’Inde. Ils la considèrent comme un partenaire solide, capable de façonner le paysage indopacifique", estime Harsh V. Pant, vice-président des études et de la politique étrangère à l’Observer Research Foundation.
Les États-Unis ont fait de la Chine leur principal adversaire mondial et la Maison Blanche a bien compris que la montée en puissance de l'Inde contrariait Pékin. Alors que de plus en plus d'entreprises déplacent leur production de la Chine vers l'Inde (à commencer par Apple qui y fabriquent désormais plus d'iPhone qu'en Chine pour le marché américain), les États-Unis pensent davantage contrôler les chaînes de valeur en Inde qu'elle n'est en mesure de le faire en Chine. Et ce dans le but de rapatrier in fine des usines aux États-Unis.
Pour rappel, les droits de douane annoncés début avril par le président américain avaient été reportés une première fois de 90 jours, jusqu'à début juillet, avant un nouveau report jusqu'au 1er août.
Il s'agissait, selon Donald Trump, de donner du temps aux négociations commerciales, la Maison Blanche assurant que des dizaines d'accords seraient signés durant la période de trêve.
Jusqu'ici, seuls six accords ont été annoncés, concernant notamment des partenaires commerciaux majeurs des États-Unis, l'Union européenne (UE), le Royaume-Uni et le Japon, qui verront dès lors leurs produits taxés à hauteur de 15%.
Washington a également annoncé des accords avec les Philippines, le Vietnam et l'Indonésie.
