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Transport maritime: la Chine accusée de faire disparaître ses bateaux des systèmes de localisation

Vue du port de Shenzen

Vue du port de Shenzen - STR / AFP

Depuis début novembre, de plus en plus de bateaux naviguant dans les eaux chinoises disparaissent des systèmes de suivi et d'idendification utilisés dans le transport maritime. Les analystes y voient la traduction d'une nouvelle loi sur la protection des données.

Mais où sont donc passés les bateaux naviguant dans les eaux chinoises? Depuis début novembre, les navires sont de plus en plus nombreux à disparaître des systèmes de suivi et d’identification utilisé dans le transport maritime dès lors qu’ils approchent des côtes de l’Empire du Milieu. Selon le fournisseur mondial de données maritimes VesselsValue, le nombre de bateaux envoyant des signaux d’identification automatique (AIS, "Automatic Identification System") depuis cette zone a chuté de 90% entre le 28 octobre et le 15 novembre. D’autres évoquent une baisse de 45%, selon Reuters.

En théorie, tout navire commercial est localisable grâce à un transpondeur AIS installé à bord. Son rôle est de transmettre des données sur la position géographique du bateau, sa longueur, sa largeur, son cap, sa vitesse ou encore le port de destination... Ce système rendu obligatoire par l'Organisation maritime internationale a été développé pour renforcer la sécurité du transport maritime. Il doit permettre d’éviter les collisions et de repérer rapidement les bateaux qui ont besoin d'être secourus.

Mais il apporte également une meilleure visibilité sur la chaîne d’approvisionnement. De quoi optimiser la circulation maritime en facilitant la programmation des heures d’amarrage, de déchargement, ou de départ des navires afin d'éviter l'engorgement des ports.

"Nous ne savons pas quand les navires partent et d'où"

Le manque de données sur les bateaux présents dans les eaux chinoises risque de poser problème dans une période où des goulots d’étranglement dans les ports affectent déjà leur capacité à répondre au rebond de la demande mondiale de marchandises. Les perturbations dans la chaîne d’approvisionnement pourraient dès lors se renforcer, d’autant plus que la Chine, "usine du monde", compte six des dix ports à conteneurs les plus fréquentés de la planète.

MarineTraffic est l’un des principaux fournisseurs de données sur le trafic maritime. Il fait partie de ceux qui observent un déficit d’informations sur les positions des navires dans les eaux chinoises. "Si ça continue, cela aura un impact important en termes de visibilité mondiale, d'autant plus que nous entrons dans la période chargée de Noël avec des chaînes d'approvisionnement déjà confrontées à d'énormes problèmes dans le monde entier", explique à Reuters Anastassis Touros, chef d'équipe du réseau AIS chez MarineTraffic. "Tout d'un coup, nous ne savons pas quand les navires partent et d'où, et nous n'avons pas non plus l'image complète de la congestion des ports que nous offre l'AIS", s’inquiète-t-il.

Loi sur la protection des données

Si les satellites peuvent toujours être utilisés pour recevoir les signaux des navires, les stations terrestres donnent une image de bien meilleure qualité des zones fortement encombrées, en particulier près des côtes. Or, la Chine est accusée d’avoir mis en veille certaines de ses stations AIS, ce qu’a démenti le ministère chinois des Affaires étrangères.

Les analystes pensent néanmoins avoir trouvé l’origine de ces mystérieuses disparitions de bateaux: la loi chinoise sur la protection des données entrée en vigueur le 1er novembre. L’agence de sécurité nationale chinoise estime en effet que "les renseignements extraits" des données de la technologie AIS "mettent en danger la sécurité économique de la Chine", selon un rapport relayé par le Financial Times. Les autorités chinoises assurent en effet que les agences de renseignement étrangères et les entreprises utilisent le système AIS pour garder un œil sur les navires militaires chinois et analyser l’activité économique du pays en surveillant le trafic de fret.

Et bien qu’il n’y ait pas de directives claires sur les données AIS dans la nouvelle loi chinoise sur la protection des informations sensibles, certains fournisseurs locaux ont reconnu qu’ils avaient cessé de communiquer des informations aux entreprises étrangères en raison de nouvelles règles.

Auprès de Reuters, un employé d’Elane Inc, une société basée à Pékin qui possède une plateforme de données AIS visitée par 2,5 millions d’utilisateurs, a indiqué que "toutes les transactions avec des entités étrangères ont récemment été interrompues". "Les changements ont débuté le mois dernier, nous ne fournissons désormais des données qu’aux utilisateurs domestiques", a-t-il ajouté.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco