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Tensions entre la Chine et l'Inde: le poids des barrages au Tibet

Le barrage hors-normes des Trois-Gorges est la première centrale hydraulique du monde en termes de production d'électricité.

Le barrage hors-normes des Trois-Gorges est la première centrale hydraulique du monde en termes de production d'électricité. - STR - AFP

[LE MONDE QUI BOUGE] L’Inde et la Chine ont convenu de reprendre les vols directs entre les deux pays, après 5 ans d’interruption, mais les tensions persistent.

Le projet inquiète l’Inde. Pékin veut construire au barrage au Tibet si monumental qu’il éclipserait celui des Trois-Gorges. Ce dernier est actuellement la plus grande l’installation hydroélectrique au monde.

Ce nouveau "mégaprojet entraînerait de nombreuses perturbations écologiques" met en garde le ministère indien des Affaires étrangères. Le pays redoute une modification du débit naturel du plus long fleuve du Tibet, ce qui pourrait perturber l'accès à l'eau pour sa population.

Mais ce n’est pas le premier projet chinois de ce type qui suscite la polémique. Le Tibet croule sous le poids des barrages chinois (193 construits depuis 2000). La région autonome détient un tier des ressources hydroélectriques de l’empire du milieu. C’est en grande partie là que Pékin fait sa “croissance verte”.

Les accusations récurrentes de dégradations de l'environnement et de violation de droits de l'homme ne semblent pas freiner le pays qui ambitionne de multiplier par plus de 2,5 ses capacités hydroélectriques d’ici à 2030.

Avec ce projet de nouveau barrage, les autorités chinoises se vantent d'"accélérer le développement d'une énergie propre et lutter contre le changement climatique" et démentent tout "effet négatif en aval" pour l’Inde.

L'heure du dégel?

Malgré tout, les deux pays mettent en scène leur rapprochement. Une rencontre de haut niveau a eu lieu lundi à Pékin pour annoncer un accord pour la reprise des vols directs entre les deux pays. "Nous sommes sur la voie de la stabilisation des relations"s’est félicité le représentant de la diplomatie indienne.

Depuis bientôt 5 ans et des affrontements meurtriers entre les deux armées à la frontière himalayenne les rapports étaient exécrables. En 2023, Xi Jinping n’avait pas fait le déplacement au G20 à New Delhi, mais depuis fin 2024 on assiste à un dégel. La rencontre entre Xi Jinping et de Narendra Modi, à Kazan, au sommet des BRICS en a été le symbole.

Intérêts mutuels

Qu’est-ce qui explique ce rapprochement alors que les contentieux persistent? En grande partie, les intérêts commerciaux. L’inde et la Chine sont souvent qualifiés de rivaux interdépendants. Une interdépendance asymétrique cependant. L’économie indienne repose grandement sur les importations chinoises de produits manufacturiers, ce qui limite la croissance de ses entreprises et aggrave son déficit commercial.

"Le pays est tributaire des technologies chinoises dans des secteurs stratégiques comme l’énergie, les télécommunications et les semi-conducteurs » indique la chercheuse Sylvia Malinbaum.

Narendra Modi martèle depuis des années la nécessité d’atteindre l’autosuffisance, mais en attendant il ne peut pas faire sans la Chine. Face la menace de Donald Trump d’augmentater les frais de douanes, Pékin a aussi intérêt à conserver son marché en Inde.

En 2023, les échanges commerciaux entre les deux pays ont dépassé les 130 milliards de dollars. Xi Jinping, qui veut un nouvel ordre mondial, ne souhaite pas non plus que New Dehli se tourne davantage vers les Etats Unis. "Un rapprochement est dans l’intérêt des deux pays" concède la diplomatie chinoise.

Caroline Loyer