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Renouveler le message économique à destination de la classe ouvrière, le défi de Kamala Harris

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Selon le politologue Yannick Mireur, la potentielle future candidate démocrate devra remettre les enjeux économiques au centre du débat, et notamment la question du "capitalisme juste" pour s'assurer les voix de la classe ouvrière.

À quatre mois d’un scrutin décisif pour les États-Unis, le retrait de Joe Biden de la campagne électorale place Kamala Harris en nouveau recours potentiel des démocrates, même si sa candidature n’a pas été officiellement entérinée.

Selon Yannick Mireur, politologue et spécialiste des États-Unis, pour s’imposer, Kamala Harris aura la tâche difficile de "renouveler le discours économique". La campagne démocrate ne pourra pas porter que sur les questions sociétales, comme l'IVG. Il s'agira au contraire de replacer l'économie au centre pour ne pas risquer d'éloigner définitivement les démocrates de la victoire.

S'adresser à la classe ouvrière

Et trouver les mots pour parler à la classe ouvrière, très courtisée par le camp républicain. "Le ticket puissant Trump / Vance déplace le curseur du camp républicain. Délaissant le credo de la fiscalité et de la bonne gestion du camp conservateur, il pointe vers les classes populaires", analyse Yannick Mireur, auteur de l'ouvrage "Populisme Smart". Selon lui, le camp républicain a réussi à s’assurer l'adhésion d'une partie de la classe ouvrière présentée comme la grande oubliée des politiques américaines.

"Les démocrates doivent faire en sorte que l’électorat qui leur était traditionnellement acquis, celui des États de la Rust Belt reste dans leur camp", identifie Yannick Mireur.

Soit reconquérir le vote des États du nord-est, de la Pennsylvanie à l'Illinois. Au-delà du message à orienter, il y a aussi un enjeu d’image. Là où Vance est issu de la classe ouvrière blanche déclassée, Kamala Harris illustre davantage l’establishment américain, plus éloignée des "cols bleus". Là aussi, il lui faudra trouver le moyen de parler à la base sans être cantonnée à son image de magistrate.

Incarner le capitalisme "juste"

Pour Yannick Mireur, le discours économique démocrate doit se ré-ancrer dans les éléments assez originaux portés par Joe Biden, pour ne pas se les laisser "voler" par le camp républicain. Ce qui est en jeu, c'est "la revitalisation du capitalisme américain", notamment par l'outil de l'anti-trust engagé par Biden par un décret présidentiel du 9 juillet 2021.

Il s'agit de modeler un capitalisme auquel serait adjoint l'enjeu de "fairness". "Donc de créer de la richesse, sans oublier les travailleurs de la base, en partageant les fruits du travail, en redynamisant l'aguillon de la concurrence", insiste le politologue. C'est donc la mise en place d'une nouvelle équité qui passe par la lutte contre les situations de monopole et de prix trop élevés.

Rappeler les réussites du bilan Biden

Outil anti-trust, lutte contre les monopoles des GAFAM, retour au plein-emploi et maîtrise de l'inflation, Kamala Harris peut se prévaloir du bilan de Joe Biden, dont elle a été la vice-présidente.

Benaouda Abdeddaïm : Biden-Harris, six mois de politique étrangère - 22/07
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Elle pourrait aussi rappeler les réussites des grands programmes d'investissement lancés sous le mandat Biden. En novembre 2O21, le plan infrastructures (infrastructures routières, ferroviaires, réseau internet) a été définitivement adopté, portant l'effort du gouvernement à 1.200 milliards. En août 2022, l'Inflation Reduction Act propose des crédits d'impôts pour doper investissement et consommation dans l'industrie verte "made in USA".

L'inflation, point noir du bilan des démocrates

Pour autant la persistance de l'inflation qui flirte désormais avec les 3% nuit au bilan positif du camp démocrate.

"Même si l’inflation a été mise sous contrôle, il y a eu un vrai mécontentement par rapport à la hausse des prix, en dépit du plein-emploi. Ce mécontentement bénéficie à Trump", souligne encore Yannick Mireur.

Changer d'image, renouveler le message économique tout en mettant en avant le bilan du camp démocrate, une sorte de "rupture dans la continuité" à réaliser par la potentielle candidate. Un pari à réaliser en quelques mois seulement.

Marine Landau