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Remplacer 128.000 soldats, acheter des chars, des avions et des missiles... Si les États-Unis arrêtaient de protéger l'Europe, ça nous coûterait 1.000 milliards de dollars

Donald Trump  entouré du secrétaire d'État américain Marco Rubio, à une conférence de presse lors du sommet de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) à La Haye, le 25 juin 2025.

Donald Trump entouré du secrétaire d'État américain Marco Rubio, à une conférence de presse lors du sommet de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) à La Haye, le 25 juin 2025. - JOHN THYS / AFP

Un think tank influent imagine le scénario extrême d'un retrait total des Etats-Unis de l'OTAN. Son verdict est édifiant.

Les dirigeants des 27 pays de l’Union se retrouvent aujourd’hui et demain à Copenhague pour un sommet informel consacré à l’Ukraine et à l’Europe de la défense. Objectif affiché: parvenir à une autonomie stratégique d’ici 2030.

Mais que se passerait-il si les États-Unis décidaient, demain, de se retirer totalement du dispositif de défense européen?

L’Institut international d’études stratégiques (IISS), cercle de réflexion britannique influent, a imaginé ce scénario extrême.

Et il n’est pas si farfelu qu’il n’y paraît: les États-Unis martèlent que leur priorité stratégique se situe désormais dans l’Indo-Pacifique. Comme l’a déclaré Pete Hegseth, secrétaire d’État à la Guerre, le 30 mai à Singapour:

"Nos amis en Europe doivent prendre plus en main leur sécurité, investir dans la défense, et à mesure qu’ils partagent le fardeau, nous pouvons davantage nous concentrer sur l’Indo-Pacifique, qui est notre théâtre prioritaire."

Une facture colossale: 1.000 milliards de dollars

Selon l’étude, combler le vide laissé par Washington coûterait à l’Europe l’équivalent de 1.000 milliards de dollars sur 25 ans, soit 40 milliards par an. Une somme proche du budget militaire de la France sur une année.

Cela impliquerait notamment de remplacer les 128.000 soldats américains stationnés en Europe, mais aussi de renforcer en urgence les moyens d’observations spatiales et de renseignement européens, ainsi que de moyens conventionnels comparables —chars, avions, missiles, systèmes de commandement... Bref, beaucoup de trous à combler, pour palier l’absence des américains qui représentent près de la moitié des moyens de l’OTAN.

Retour aux budgets de la Guerre froide

Théoriquement, l’Europe pourrait accroître ses budgets de défense. Mais l’IISS rappelle que cela nous ramènerait à des niveaux de dépenses comparables à ceux de la guerre froide, dans un contexte où les marges budgétaires sont limitées et où les pressions sociales (comme la question du pouvoir d’achat en France) freinent les investissements militaires. Autre difficulté: les délais de production. Plus les pays européens privilégieront du matériel "made in Europe", plus les retards seront importants. Et sur certains équipements stratégiques, comme les avions furtifs, l’avance américaine reste considérable.

Résultat: si elle veut éviter de s’exposer à une menace russe croissante, l’Europe n’aura d’autre choix que d’acheter rapidement du matériel hors du continent, principalement aux États-Unis. C’est tout le paradoxe: viser l’autonomie stratégique d’ici 2030, tout en restant dépendante de l’industrie militaire américaine.

Mathieu Jolivet