Que va changer le plafonnement des prix du pétrole russe approuvé par le G7?

À trois jours de l’entrée en vigueur de l’embargo européen, les pays de l’UE, puis ceux du G7 ainsi que l’Australie se sont mis d’accord vendredi pour plafonner le prix du pétrole russe à 60 dollars le baril.
"Le G7 et l'Australie (...) sont parvenus à un consensus sur un prix maximum de 60 dollars américains le baril pour le pétrole brut d'origine russe transporté par voie maritime", ont annoncé ces pays dans un communiqué commun.
• Réduire les ressources pétrolières
À travers ce plafonnement, les pays occidentaux entendent porter un nouveau coup dur aux finances de Moscou en limitant ses moyens de poursuivre sa guerre contre l'Ukraine. Cela passera d’abord par l’entrée en vigueur lundi de l'embargo européen sur le pétrole russe acheminé par voie maritime, lequel intervient plusieurs mois après celui déjà décidé par les États-Unis et le Canada.
Avec cet embargo, l’UE va supprimer les deux tiers de ses achats de brut à la Russie. L'Allemagne et la Pologne ayant par ailleurs décidé d'arrêter leurs livraisons via un oléoduc d'ici à la fin de l'année, les importations russes totales seront touchées à plus de 90%, affirment les Européens, premiers clients de Moscou jusqu’à présent.
Le plafonnement du prix du baril à 60 dollars qui devrait s’appliquer dès lundi ou "quelque temps après" selon le G7 vise, quant à lui, à affecter les ressources que la Russie tire de ses exportations de pétrole vers des pays tiers.
Pour les membres du G7, l’objectif était de fixer un prix plafond inférieur au cours afin de réduire la manne pétrolière de Moscou mais suffisamment élevé pour qu’elle continue malgré tout à vendre de l'or noir, et ainsi éviter une flambée des prix sur les marchés mondiaux déjà particulièrement tendus.
• Un plafond sur tous les produits pétroliers en février
Concrètement, au-delà de ce plafond de 60 dollars, il sera interdit pour les entreprises de fournir les services permettant le transport maritime (fret, assurance, etc.). Or, les pays du G7 fournissent actuellement 90% des cargaisons mondiales et l’UE est un acteur majeur du fret maritime. D’où un pouvoir de dissuasion crédible, mais aussi un risque de perdre des marchés au profit de concurrents.
Sans ce plafond, il serait facile pour la Russie de trouver de nouveaux acheteurs au prix du marché pour compenser les effets de l’embargo européen, comme elle l’a fait jusqu’à présent avec la Chine et l’Inde. Le cours du baril de pétrole russe (brut de l'Oural) évolue toutefois actuellement autour de 65 dollars, soit à peine plus que le plafond européen, impliquant un impact limité à court terme.
• La Chine et l'Inde en dehors de l'initiative?
"Nous serons prêts à examiner et à ajuster le prix maximum le cas échéant", assurent G7 et Australie dans leur communiqué. Et un plafond devrait également être trouvé pour les produits pétroliers russes à partir du 5 février 2023.
Selon l'agence de presse Reuters, la Chine et l’Inde n’ont pas pris part à l’initiative du G7. Sachant que la Russie, deuxième exportateur mondial de brut, avait prévenu qu'elle ne livrerait plus de pétrole aux pays qui adopteraient ce plafonnement.
L'instrument proposé par Bruxelles prévoit d'ajouter une limite fixée à 5% en dessous du cours du marché, dans le cas où le pétrole russe passerait sous les 60 dollars. De fait, certains experts craignent une déstabilisation du marché mondial et s'interrogent sur la réaction des pays producteurs de l'Opep, qui se réunissent dimanche à Vienne.
"Ce plafonnement contribuera à stabiliser les marchés mondiaux de l'énergie (...) et bénéficiera directement aux économies émergentes et aux pays en développement", puisque le pétrole russe pourra leur être livré à des prix inférieurs au plafond, a au contraire assuré sur Twitter la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
Mais "un plafond de prix du pétrole, ça ne s'est jamais vu. On est dans l'inconnu", s'alarme Phuc-Vinh Nguyen, soulignant que la réaction des pays de l'Opep ou de gros acheteurs comme l'Inde et la Chine sera cruciale. Seule certitude, selon lui: un plafonnement, même à un prix élevé, enverra "un signal politique fort" au président russe Vladimir Poutine, car, une fois en place, ce mécanisme pourra être durci.
De son côté, la présidence ukrainienne a affirmé ce samedi que l’économie russe "sera détruite" par l’introduction du plafonnement du prix du baril de pétrole russe. "Nous atteignons toujours notre objectif et l'économie de la Russie sera détruite, et elle paiera et sera responsable de tous ses crimes", a indiqué sur Telegram le chef de cabinet de la présidence ukrainienne, Andriï Iermak, selon qui "il aurait toutefois fallu abaisser (le prix plafond) à 30 dollars pour la détruire plus rapidement".
La Russie a tiré 67 milliards d'euros de ses ventes de pétrole à l'UE depuis le début de la guerre en Ukraine, tandis que son budget militaire annuel s'élève à environ 60 milliards, rappelle Phuc-Vinh Nguyen, un expert des questions énergétiques à l'Institut Jacques-Delors.