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"On ne peut pas se permettre d'investir des milliards": les constructeurs automobiles ne se pressent même pas pour relocaliser leurs usines aux États-Unis

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En appliquant des droits de douane de 25% sur les véhicules importés aux États-Unis, Donald Trump assure que de nombreuses usines de production vont être créées sur le sol américain.

Pas une semaine sans voir Donald Trump dégainer de nouveaux droits de douane. Après l'acier et l'aluminium, et en attendant le bois de construction ou le cuivre, le président américain a ajouté mercredi un nouveau secteur d'activité à sa liste en promettant des surtaxes supplémentaires de 25% sur les voitures et pièces détachées qui ne sont pas fabriquées aux États-Unis dès le 2 avril.

Avec cette décision, Donald Trump assure que les constructeurs déjà installés sur le sol américain auront un carnet de commandes plus rempli tandis que les autres seront incités à construire des usines aux États-Unis pour échapper aux surtaxes: "De nombreuses entreprises vont se porter à merveille car elles ont déjà construit leurs usines mais celles-ci sont sous-utilisées. Elles pourront donc les agrandir rapidement et à moindre coût. D'autres viendront construire dans notre pays et cherchent déjà des sites", a déclaré mercredi le locataire de la Maison Blanche, assurant qu'un "record" en matière de "nouvelles usines" était déjà en train d'être battu depuis son investiture.

"Le total, en quelques semaines seulement est considérable".

Déjà lors de son discours au Congrès début mars, le président américain affirmait que des usines ouvraient "partout" aux États-Unis et que l'industrie automobile allait "connaître une croissance comme personne n'en a jamais vue".

Il avait notamment pris l'exemple de Honda qui venait soi-disant "d'annoncer la construction d'une nouvelle usine dans l'Indiana". Ce qui est pour le moins exagéré puisque le constructeur japonais a en réalité annoncé qu'il allait produire à partir de 2028 la Civic nouvelle génération dans son usine actuelle implantée dans l'Indiana.

Des délais de construction très longs

Contrairement à ce que laisse entendre Donald Trump, il est peu probable que les usines automobiles essaiment rapidement aux quatre coins du territoire américain. Pour l'heure, les constructeurs sont dans l'expectative, sachant que le locataire de la Maison Blanche a déjà fait marche-arrière par le passé, en reportant par exemple les droits de douane contre le Canada et le Mexique. Certains espèrent en outre que ces menaces de surtaxes ne seront qu'un préalable à des négociations entre les États-Unis et leurs différents partenaires.

Toujours est-il que les constructeurs ont besoin de certitude sur la durée d'application de ces nouvelles taxes avant d'investir massivement dans des usines. "Si elles deviennent permanentes, il y a alors tout un tas de choses différentes auxquelles vous devez penser, en termes d'emplacement d'usines, de déplacement d'usines, etc", a reconnu le directeur financier de General Motors, Paul Jacobson, dont les propos sont rapportés par CNN.

Mais il est prématuré de réfléchir à cela, d'autant que cette politique commerciale aggressive pourrait être abandonnée dès 2028 par le prochain président américain. Or, il faut plusieurs années, au moins "trois ans", pour installer de nouvelles capacités de production, indique un dirigeant au média américain. De nouvelles capacités qui deviendraient donc opérationnelles au moment où arriverait une nouvelle administration qui pourrait "changer" les règles en renonçant finalement aux droits de douane.

"Imaginez un monde où nous investissons des milliards de dollars, et puis tout s'arrête. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire des allers-retours incessants", a résumé Paul Jacobson.

Des constructeurs américains également touchés

Il n'est pas non plus certain que les constructeurs américains annoncent de grands projets d'investissement dans un avenir proche. Car ces derniers sont aussi concernés par les droits de douane, étant donné que leurs chaînes d'approvisionnement et de production intègrent largement le Mexique et le Canada grâce à l'accord commercial nord-américain AEUMC (ex-ALENA).

Ford indique par exemple qu'environ 20% de ses véhicules vendus aux États-Unis sont importés, mais un certain nombre de pièces des véhicules assemblés aux États-Unis, qui seraient également soumises aux droits de douane, proviennent également du Canada ou du Mexique.

General Motors importe de son côté annuellement environ 750.000 véhicules depuis le Canada et le Mexique, ce qui en fait le premier importateur, tous constructeurs automobiles confondus. Même Tesla qui importe des pièces détachées serait touché, a reconnu son PDG Elon Musk, lequel a évoqué un effet "non négligeable" sur le coût de production.

Bref, difficile de faire une voiture 100% made in USA du jour au lendemain, en se passant donc de la contribution du Canada et du Mexique, tant les chaînes sont imbriquées.

"Soyons honnêtes: à long terme, un tarif de 25% aux frontières du Mexique et du Canada créerait un vide dans l'industrie américaine comme nous n'en avons jamais vu", a mis en garde le PDG de Ford, Jim Farley.
https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis avec AFP Journaliste BFM Eco