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La défense européenne passera-t-elle par Ankara?

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Alors qu’Emmanuel Macron lance la planification des "garanties de sécurité" pour l'Ukraine, le secrétaire général de l’OTAN exhorte les européens à collaborer davantage avec la Turquie.

Bruxelles et Ankara se doivent coopérer plus étroitement sur la question sécuritaire. Le secrétaire général de l’OTAN aurait fait passer le message en privé à des dirigeants européens, révèle le Financial Times.

La Turquie est la deuxième armée de l'OTAN derrière celle des Etats-Unis. Et elle est consciente du poids que cela représente, particulièrement à l’heure où la défense du vieux continent veut se réinventer.

"Si une architecture de sécurité européenne doit devenir opérationnelle, elle ne peut se faire sans la Turquie", a lancé le chef de la diplomatie turque.

Ce serait "irréaliste", ajoute Hakan Fidan qui a participé au sommet de Londres sur l’Ukraine.

Recep Tayyip Erdogan, qui profite du désengagement américain pour se mettre au chevet de l’Europe, va même encore plus loin. Sans une collaboration sécuritaire étroite il serait " impossible (pour l'Europe) de conserver son rôle d'acteur mondial".

Une industrie en plein essor

Le secteur turc de l’armement connait un essor spectaculaire. Au point que ses exportations ont bondi de 29% l’an dernier par rapport à 2023.

Sous l’impulsion d’Erdogan, la dépendance de l’armée au matériel étranger est passée de 70% à 30%. Des résultats à faire pâlir d’envie les Européens grandement dépendants des équipements américains.

Le secteur compte aujourd’hui 2.000 entreprises, 100.000 salariés. Ses atouts: du matériel fiable, abordable et vite livré. Ankara exporte ses produits dans plus 180 pays dont des états européens. La Pologne et la Roumanie lui achètent notamment ses drones Bayraktar TB2, réputés dans le monde entier et grandement utilisés en Ukraine.

"Les ventes d’Ankara aux membres de l'UE ajoute du crédit à l'argument de la Turquie selon lequel elle est un acteur important de la sécurité européenne" estime Tom Waldyn, expert de l'Institut international d'études stratégiques.  

Autre atout de la Turquie, son armée compte plus de 370 000 militaires. Des soldats aguerris, "rodés" par des décennies de combats, notamment contre les kurdes en Syrie et en Irak. Dernier point et non des moindres, la position stratégique de la Turquie qui contrôle l’accès à la mer Noire via le détroit du Bosphore.

Un positionnent ambiguë

Mais Bruxelles et Ankara entretiennent des relations complexes voire difficiles. L'adhésion de la Turquie à l'UE est en suspens depuis plusieurs années, en partie à cause de son occupation d’une partie de Chypre.

Ankara bloque régulièrement la coopération entre l’UE et l’OTAN. Le pays s’était notamment opposé l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l'Alliance atlantique.

Dans le dossier ukrainien, la Turquie joue les funambules. Elle dit soutenir un processus de paix incluant l’Ukraine mais s’est opposée aux sanctions occidentales contre Moscou tout en maintenant des liens économiques et énergétiques forts avec le pays. Serguei Lavrov a été reçu en grandes pompes par Erdogan il y a encore quelques jours.

La clé de la sécurité et de la stabilité européenne se trouve peut-être aujourd’hui au-delà des frontières de l’Union. Reste à savoir si les dirigeants européens répondront favorablement à l'appel de Mark Rutte et mettrons de côté leurs divergences avec Ankara.

Caroline Loyer