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Une chute de près de 11% en 2025: le dollar n’avait plus connu une telle déroute sur un semestre depuis 52 ans

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Le billet vert a chuté de 10,7% face aux autres devises internationales, ce qui représente son pire premier semestre depuis 1973, année où Nixon a rompu l'étalon-or de Bretton Woods. La monnaie a atteint son plus bas niveau depuis février 2022.

Une spirale infernale? Après avoir enregistré sa pire performance depuis la présidence de Richard Nixon, le dollar américain est confronté à divers obstacles à l'approche du second semestre, qui pourraient avoir d'importantes répercussions sur les investissements.

Le billet vert a chuté de 10,7% face aux autres devises internationales. Il s'agit de l'indice USDX, surnommé "Dixie", qui mesure l'évolution du dollar par rapport à la moyenne pondérée d'un panier de devises étrangères dont font partie l'euro, le yen japonais, la livre sterling, le dollar canadien, le franc suisse et la couronne suédoise.

Cette chute de près de 11% représente son pire premier semestre depuis 1973, année où Nixon a rompu l'étalon-or de Bretton Woods. La monnaie a atteint son plus bas niveau depuis février 2022.

Et l'avenir ne semble guère plus prometteur. En effet, nombre de facteurs comme la volatilité des politiques de l'administration Trump, le gonflement de la dette et des déficits, et les baisses potentielles des taux d'intérêt par la Réserve fédérale risquent de continuer à peser dans l'esprit des investisseurs qui chercheront d'autres refuges.

"On pourrait cocher de nombreuses cases. On enregistre des déficits massifs, et personne ne veut les en empêcher. On s'aliène des amis, tant sur le plan militaire que commercial. Il y a suffisamment de catalyseurs négatifs potentiels. Et une fois la dynamique lancée, il est difficile de l'enrayer", explique pour CNBC, Art Hogan, stratège en chef des marchés chez B. Riley Wealth Management.

Augmentation des achats d'or

De fait, la chute du dollar a débuté mi-janvier et n'a pas montré de signes de rétablissement depuis. L'espoir que les droits de douane du président Donald Trump ne soient pas aussi élevés qu'on le pensait a contribué à déclencher une brève remontée mi-avril, mais dans l'ensemble, la tendance est à la baisse.

Bien sûr, la chute du dollar n'a pas été une mauvaise nouvelle pour les actions. Avec plus de 40% du chiffre d'affaires des entreprises du S&P 500 provenant de ventes internationales, la faiblesse du dollar contribue à rendre les exportations américaines moins chères, un point important à prendre en compte dans le contexte de la guerre commerciale en cours.

Cependant, cette baisse a coïncidé avec des rumeurs croissantes sur la fin potentielle de l'hégémonie du dollar, la part publique de la dette américaine approchant les 30.000 milliards de dollars et le déficit en 2025 étant en passe d'atteindre près de 2.000 milliards de dollars. Si les actifs américains, tels que le billet vert et les bons du Trésor, perdaient de leur importance sur la scène mondiale, cela pourrait avoir de fortes répercussions sur les actifs à risque comme les actions, expliquent nos confrères.

Les banques centrales mondiales, par exemple, augmentent leurs achats d'or, à 24 tonnes par mois, selon le World Gold Council, comme alternative aux actifs américains. D'ailleurs, l'or a enregistré sa meilleure performance au premier semestre depuis 1979.

"Nous pensons que les banques centrales achètent de l'or pour diversifier leurs réserves, réduire leur dépendance au dollar et se prémunir contre l'inflation et l'incertitude économique", explique Lawson Winder, analyste chez Bank of America.

"C'est une tendance qui, selon nous, devrait se poursuivre, notamment dans un contexte d'incertitude entourant les droits de douane américains et les inquiétudes concernant le déficit budgétaire", poursuit-il.

De même, TS Lombard (une société de conseil en prévisions macroéconomiques) maintient une position vendeuse sur le billet vert. "Les attaques de Trump contre la Fed et la volonté explicite de l'administration d'un dollar plus faible ne font que renforcer ce point de vue", souligne Daniel Von Ahlen, stratégiste macroéconomique senior de la société.

"Le dollar reste surévalué sur la plupart des indicateurs de change… Avec des cours négatifs omniprésents, pourquoi ne pas s'attendre à une sous-évaluation du dollar? Nous maintenons une position vendeuse ferme sur le dollar sur plusieurs positions de notre portefeuille".

La Réserve fédérale pourrait également exercer une pression à la baisse accrue en mettant en œuvre les baisses de taux attendues en fin d'année. Cependant, l'impact d'un assouplissement de la Fed peut être difficile à évaluer, étant donné que le dollar et les rendements des bons du Trésor ont fortement augmenté lors de la dernière baisse de taux de la banque centrale en 2024.

Espoir d'un renversement

Il est certain que la baisse continue du dollar n'est en aucun cas garantie, et d'autres acteurs de Wall Street pensent que la tendance baissière pourrait s'inverser.

Thomas Matthews, responsable des marchés Asie-Pacifique chez Capital Economics, a déclaré que le récent rebond des actions témoigne d'un regain de confiance envers les actifs américains, la faiblesse antérieure du dollar n'étant peut-être que le résultat de l'appréciation prévue d'autres devises et d'un changement de stratégie de couverture.

Wells Fargo estime également que les craintes liées au dollar sont exagérées.

"L'analyse statistique du rôle du dollar américain nous montre clairement que le billet vert reste le pilier du commerce et de la finance mondiaux et qu'il est loin de perdre toute pertinence", estime Jennifer Timmerman, analyste en stratégie d'investissement chez Wells Fargo.

"Nous pensons que le dollar américain bénéficie d'avantages fondamentaux qui rendent un abandon mondial du dollar extrêmement difficile et lent, notamment en raison des faiblesses sous-jacentes des alternatives au dollar les plus visibles", poursuit-il.

Le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, a également apporté sa contribution, déclarant lundi à CNBC que les fluctuations monétaires n'étaient "pas inhabituelles".

Cependant, la hausse des rendements de la dette du Trésor témoigne également de l'inquiétude suscitée par le dollar et les autres actifs américains. "Nous sommes à un stade où la dynamique est excessivement baissière", a déclaré Hogan, stratège chez B. Riley. "Mais fondamentalement, on pourrait certainement identifier de nombreux éléments qui pourraient nous inquiéter".

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business