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Des espions américains tentent de retourner la population du Groenland contre le Danemark pour faciliter le plan d'annexion de Donald Trump

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Selon une enquête de la télévision danoise, trois Américains sont actuellement au Groenland pour établir une liste de Groenlandais favorables à Donald Trump et les recruter dans la perspective de bâtir un mouvement sécessionniste.

C’est une enquête choc que vient de publier la télévision publique danoise DR et qui a tout d'un scénario de film d'espionnage. Selon ses informations, trois Américains, en lien plus ou moins direct avec Donald Trump, sont soupçonnés de mener des opérations d’influence au Groenland. Leur mission: affaiblir le lien avec le Danemark et préparer un rapprochement avec les États-Unis.

Un premier homme a été identifié en mission d’infiltration à Nuuk, capitale du Groenland. Selon les informations de DR, qui a choisi de ne pas divuguer les noms des "espions", il aurait commencé à établir une liste de Groenlandais favorables à Trump. L’objectif: les recruter dans la perspective de bâtir un mouvement sécessionniste tourné vers Washington plutôt que vers Copenhague.

Cet homme, souvent aperçu aux côtés de Donald Trump, vient par ailleurs d’être nommé à un poste qui lui donne de l’influence sur la politique sécuritaire des États-Unis.

Rouvrir des plaies anciennes

Toujours selon l’enquête, cet Américain a aussi demandé à des Groenlandais de lui signaler des affaires susceptibles de ternir l’image du Danemark. Deux dossiers sensibles sont ressortis. D'abord, les retraits forcés d’enfants inuits dans les années 1950, envoyés au Danemark pour être assimilés, un épisode traumatisant qui a laissé des traces. Et puis le scandale des spirales dans les années 1970, quand des médecins danois ont posé des contraceptifs à des milliers de jeunes filles groenlandaises sans leur consentement.

Autant de blessures encore ouvertes, sur lesquelles les Américains semblent vouloir appuyer.

D’après DR, les opérations américaines s’inscrivent dans une stratégie en trois étapes lancée par Donald Trump depuis son retour au pouvoir.

Première étape, la séduction avec, en janvier, la visite très médiatisée de Donald Trump Jr., le fils du président américain, à Nuuk. Deuxième étape, la pression: en mars, en déplacement sur la base américaine de Pituffik, le vice-président J.D. Vance a accusé le Danemark de trahir les Groenlandais. Troisième étape, l’infiltration avec, donc, aujourd’hui, ce trio d’Américains en mission discrète au sein de la société groenlandaise.

Les services de renseignement danois en alerte

Pour Damien Degeorges, consultant à Reykjavik, en Islande, spécialiste du Groenland, il n’est pas étonnant que quelques individus tentent de jouer un rôle déstabilisateur.

"Le Groenland compte seulement 56.000 habitants, c’est donc très facile d’approcher une petite élite politique ou économique", explique-t-il à BFM Business.

Face à ces manœuvres, les services de renseignement danois (PET) se disent en alerte. Dans un communiqué à DR, ils confirment que le Groenland est aujourd’hui "une cible de campagnes d’influence de différentes natures", visant à creuser les fractures entre Copenhague et Nuuk. Le chargé d’affaires américain a d’ailleurs été convoqué au ministère des Affaires étrangères à Copenhague.

Washington dément toute orchestration

Difficile de ne pas rapprocher ces révélations des propos de Donald Trump lui-même.

"Ce sont les Groenlandais qui nous appellent, et non l'inverse. Je pense que le Groenland peut faire partie de notre avenir. C'est important pour la sécurité internationale", disait-il en mars.

Une zone d’ombre demeure. La chaîne DR n’a pas pu établir si les trois Américains agissent seuls, ou s’ils répondent à une consigne venue de Washington. Un flou qui nourrit encore les inquiétudes des autorités danoises.

Reste une question: comment réagissent les Groenlandais? Le Premier ministre a plusieurs fois réaffirmé que l’île "n’est pas à vendre". Pour Damien Degeorges, une autre voie est possible: "les menaces de Donald Trump depuis le 7 janvier pourraient conduire à terme le retour du Groenland dans l’Union européenne, comme la menace de Poutine avait conduit la Suède et la Finlande dans l’Otan".

Du côté américain, l’ambassade des États-Unis à Copenhague a transmis un communiqué officiel au ton laconique: "Des citoyens américains peuvent avoir des intérêts au Groenland. Le gouvernement des États-Unis ne contrôle pas les actions de particuliers".

Mathieu Jolivet