Corée du Sud: la crise politique coûte déjà cher au pays

La quatrième économie asiatique tangue et les perspectives ne sont pas bonnes. Dans les premiers jours de la crise déclenchée par le président et sa tentative d’instaurer loi martiale en décembre dernier, l’économie semblait résister. Mais quelques semaines plus tard, le constat est tout autre.
La banque centrale vient de réviser à la baisse ses prévisions de croissance pour cette année (entre 1,6% et 1,7% au lieu des 1,9% prévu). Estimations revues à la baisse également pour 2024 avec un quatrième trimestre catastrophique. La consommation des ménages est au plus bas depuis 24 ans et elle devrait diminuer de 1,6% cette année.
S’ajoutent à cette longue liste de mauvais chiffres, 54.000 emplois supprimés. Enfin, le won, tombé fin décembre à son plus bas niveau depuis 2009 face au dollar, s’est à peine repris depuis.
La faute à l'incertitude
La banque de Corée identifie deux explications principales. La crise politique en cours et le crash de l’avion de Jeju Air qui a fait 179 morts. La pire catastrophe aérienne jamais survenue sur le sol sud-coréen.
Ces deux événements ont "entraîné des contractions de la consommation intérieure et de l’investissement dans la construction, ce qui a probablement fait chuter le taux de croissance", estiment les analystes.
"L’environnement politique incertain décourage les entreprises d’investir", ajoute Park Chong-hoon, directeur de recherche chez Standard Chartered à Séoul.
Et cette crise politique est loin d'être terminée. Le feuilleton se poursuit. Le président Yoon Suk-yeol est actuellement jugé après avoir résisté à son arrestation. La Cour constitutionnelle doit rendre sa décision finale d’ici six mois. Si la destitution est confirmée, une élection présidentielle aura lieu dans les deux mois qui suivent. La fin de l’incertitude n'est donc pas pour tout de suite.
Un "tournant critique"
Et ça ne rassure pas alors que le pays se trouve à un "tournant critique", s’inquiète le chef de l’État par intérim. Choi Sang-mok, qui est aussi ministre des Finances, fait allusion au retour de Donald Trump. À noter qu’en 2017, au début de son premier mandat, la Corée du sud était aussi plongée dans une crise politique avec la destitution de Park Geun-hye, présidente de l’époque.
Un sentiment de déjà vu mais dans un contexte diffèrent. Cette fois-ci Donald Trump brandit la menace d’une augmentation des frais de douanes.
Cela "ébranlera nos marchés financiers et aura un impact négatif sur notre économie", affirme avec certitude Shin Min-young, professeur à l’Université de Séoul.
L'industrie sud-coréenne repose fortement sur les exportations. Les États-Unis sont d’ailleurs son premier client. Elle souffre déjà de la concurrence de la Chine. Si les produits chinois étaient davantage taxés, ils pourraient être détournés vers des pays tiers, dont la Corée du sud, ce qui aggraverait les difficultés de son secteur manufacturier.
Séoul est donc aujourd’hui dans une position plus que délicate, sans véritable leader. Au moment où d’autres pays sont tentés de négocier pour leur compte des arrangements voire des exemptions.