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Conflit RDC/Rwanda: les réticences de la France

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LE MONDE QUI BOUGE. Le ministre français des Affaires étrangères est arrivé jeudi au Rwanda après sa rencontre avec le président congolais. La situation est toujours très préoccupante dans l’Est de la RDC.

Objectif pour le ministre français des Affaires étrangères: amorcer une désescalade. Le M23, qui s’est emparé de Goma, menace désormais de marcher vers Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo (RDC). Les civils fuient en masse le chef-lieu du Nord-Kivu.

Les autorités congolaises assistent impuissantes depuis des années à la progression inexorables des rebelles. Cela fait 30 ans que le conflit entre les deux voisins perdure et que la communauté internationale en est témoin sans oser clairement établir les responsabilités.

Mais ces derniers jours, peut-être parce qu’il est impossible de continuer à fermer les yeux, on observe à un changement. L’ONU, qui pendant longtemps se contentait de citer des rapports d’experts, met désormais en cause nommément le Rwanda. C’est inédit. Son Secrétaire général demande expressément aux troupes de Kigali de se retirer du territoire congolais. Le nombres de ses soldats déployés aux côtés du M23 est estimé entre 3.500 et 4.000.

Paris sort de sa réserve

La France a également revu son positionnement. Jusqu’à présent Paris appelait au dialogue et à l’apaisement, en s’efforçant de ne pas prendre parti. En 2022, Emmanuel Macron avait réuni, à New York, les présidents des deux pays en conflit. Tous les trois s’étaient engagés à lutter contre les violences des groupes armés en RDC.

Mais cette semaine Paris a accusé à son tour Kigali, sortant de sa réserve. Jean-Noël Barrot exhorte les forces rwandaises à "quitter instamment" le territoire congolais. Il a rencontré jeudi le président Félix Tshisekedi avant de s’envoler pour le Rwanda où il doit s’entretenir avec Paul Kagame qui, lui, dément toute responsabilité.

Caroline Loyer : RDC/Rwanda, les réticences de la France - 31/01
Caroline Loyer : RDC/Rwanda, les réticences de la France - 31/01
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En revanche, lorsqu’on demande au ministre français des Affaires étrangères si des sanctions pourraient être imposées au Rwanda, il botte en touche: "L'objectif est d'arriver à une solution diplomatique à ce conflit qui doit cesser immédiatement", dit-il. La prise de position à ses limites.

Menace de sanctions

Pourtant d’autres pays occidentaux font preuve de plus de fermeté comme le Royaume Uni qui hausse le ton. Londres condamne les "récentes avancées du M23 et des Forces de défense rwandaises" et menace d’aller plus loin. Si le Rwanda ne cesse pas sa participation aux hostilités, il pourrait se voir privé de l’aide financièrement britannique.

"Nous ne pouvons pas laisser des pays remettre en cause l’intégrité territoriale d’autres pays. Tout comme nous ne le tolérerons pas sur le continent européen, nous ne pouvons pas le tolérer où que ce soit dans le monde", a déclaré David Lammy.

Pour le chef de la diplomatie britannique, si le Rwanda continue de faire la sourde oreille, il faudra aller jusqu’à envisager de le priver de la totalité de l’aide internationale, soit près d’1,2 milliards d’euros, selon lui.

Ces mots et ces menaces marquent une véritable rupture avec les précédents gouvernements relèvent la presse britannique. Les conservateurs, sous Boris Johnson, avaient conclu un accord avec le Rwanda pour qu’il accueille ses migrants pendant le traitement de leur demande d’asile. Accord finalement annulé par le gouvernent Starmer.

Le poids de l’histoire

Pourquoi la France est-elle plus frileuse? Certainement à cause du poids de l’histoire. Ce conflit prend racine dans le génocide rwandais survenu en 1994. Environs 800.000 personnes avaient été massacrées en moins de 4 mois.

La France, qui entretenait des relations étroites avec le régime hutu au pouvoir à l’époque, a longtemps été accusé de "complicité" par Kigali. Des rapports tendus, allant jusqu'à une rupture des relations diplomatiques entre 2006 et 2009. Les gestes d’Emmanuel Macron pour reconnaître les "responsabilités lourdes et accablantes" de la France ont permis un rapprochement. Ce dernier se retrouve aujourd’hui à nouveau en péril.

GENOCIDE AU RWANDA : LA RESPONSABILITE FRANCAISE
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Le Rwanda, qui bénéficie de l’exploitation des mines congolaise saisies, continue de nier son implication. Les mots ne suffiront pas à faire taire les armes. La normalisation des relations entre Paris et Kigali ne peut pas se faire sur le dos des victimes de ces violences.

Caroline Loyer