Chute de Bachar al-Assad: lourd revers pour Poutine, quelles conséquences pour Moscou?

Les rapports de force ont bien changé en l’espace de quelques années. En 2017, en visite en Syrie, Vladimir Poutine mettait en garde les rebelles. "Si les terroristes relèvent la tête, ils feront face à des frappes sans précédent, comme ils n'en ont jamais vu", affirmait alors le président russe.
Cette fois-ci, la Russie, trop occupée en Ukraine, a fourni un service minimum. Quelques bombardements, pour sauver les apparences, qui n’ont pas suffi à éviter la chute de l’allié.
Assad est tombé, c’est irréversible. Alors aujourd’hui, Moscou veut sauver ce qui peut encore l’être, c'est-à-dire ses bases en Syrie, les seules bases au Moyen Orient. Elle en a deux: la base aérienne de Hmeimim et la base navale de Tartous qui fait face à Chypre.
Enjeux stratégiques majeurs
Et l'enjeu stratégique est grand. Sans ces deux bases, la Russie perdrait son influence en Méditerranée, elle ne pourrait plus menacer le flanc sud de l'OTAN et surtout cela aurait un impact colossal sur sa politique africaine. Vladimir Poutine pourrait être contraint de renoncer à certains objectifs sur le continent.
"Ces bases sont très importantes pour le transfert des hommes, des équipements, par exemple en Libye, au Soudan, en Centrafrique et au Mali", indique le chercheur Andrew Lebovich.
Sans elles, les opérations logistiques seront bien plus chères et complexes. Et la Russie fait donc tout aujourd’hui pour ne pas plier bagage. Elle souhaite organiser des "discussions sérieuses" avec les futures autorités syriennes.
Dans ce contexte volatile, le porte-parole du Kremlin tente de rassurer. Toutes les précautions nécessaires ont été prises et la Russie "fait tout son possible" pour établir des contacts avec ceux qui peuvent assurer la sécurité de son personnel militaire en Syrie. Des images satellite montrent que tous les navires et sous-marins russes ont quitté le port de Tartous pour se réfugier à quelques kilomètres.
Moscou, fébrile, a changé de ton avec les rebelles syriens. Samedi soir encore, les chaînes de télévision russes les qualifiaient de "terroristes". Depuis la chute d’Assad, elle parle désormais d’"opposition armée" ou de "groupes armés".
Une perte de crédibilité
La chute d’Assad, c’est aussi un coup porté à la réputation de la Russie. En 2015, lorsqu’elle déploie des milliers de soldats sur le sol syrien, elle renaît sur la scène internationale, s’affirme comme une grande puissance. Le message alors c’est nous sommes prêts à utiliser toute la force nécessaire pour soutenir nos alliés et défendre nos intérêts.
Il s’agissait du premier défi majeur pour Vladimir Poutine en dehors de l’ancien espace soviétique. Défi d’abord relevé puis perdu. Avec ce revers, Vladimir Poutine perd en crédibilité.
"À quoi sert la Russie en tant que partenaire si elle ne peut pas sauver son plus vieil allié au Moyen-Orient d’une bande hétéroclite de rebelles?", s’interroge le chercheur Eugene Rumer de la Fondation Carnegie pour la paix internationale, basée à Washington.
Donald Trump pourrait utiliser la situation en Syrie pour promouvoir ses intérêts régionaux et négocier un accord s’agissant de l’Ukraine. Sur son réseau social, il écrit que la Russie est "affaiblie" tout en soulignant que Volodymyr Zelensky souhaite discuter.
Pour le président ukrainien, la victoire des rebelles syriens soulève des questions sur la solidité du régime russe. Selon lui, Vladimir Poutine est le prochain sur la liste.
Quoi qu’il arrive, l'éviction de Bachar al-Assad dimanche, est bien l'un des plus grands revers subis par Poutine en un quart de siècle au pouvoir.