BFM Business
International

Ce seul barrage aura la puissance de tout le nucléaire français: Pékin lance la construction de son titanesque projet hydraulique à 165 milliards de dollars

placeholder video
La Chine veut s'arroger le contrôle sur l'eau, et renforcer sa production énergétique avec ce projet de barrage de Motuo qui sera trois fois plus puissant que l'actuel barrage des Trois-Gorges. Un projet cependant situé au Tibet et très contesté.

60 gigawatts, soit quasiment l'équivalent de la puissance nucléaire française entière: la Chine a annoncé le lancement de la construction du barrage de Motuo, un méga-projet placé sur le plateau tibétain. Il serait ainsi trois fois plus puissant que le plus puissant des barrages actuellement en fonctionnement, celui dit des Trois-Gorges, dans la province du Hubei. Le prix de l'ouvrage est lui aussi astronomique, à la hauteur de la démesure du projet: 165 milliards de dollars, selon l'agence de presse chinoise Xinhua.

La Chine s'est lancé dans un développement actif de son potentiel énergétique, notamment renouvelable: le pays installe plus de panneaux solaires que le reste du monde réuni, et maintient en contre-partie la construction d'usine thermiques employant du charbon.

Le pays a aussi déployé massivement des barrages hydroélectriques, source précieuse d'énergie pilotable, renouvelable et sans déchets. L'ONG International Campaign for Tiber a ainsi agrégé des données sur 193 projets menés par le pays, qui, une fois terminés, pourraient rapporter jusqu'à 270 GW d'électricité. L'équivalent de la production d'énergie de l'Allemagne.

Parmi ces projets, 80% sont des projets supérieurs à 100 MW, marquant un goût pour les projets d'ampleur. A titre de comparaison, le plus grand barrage français, celui de Grand'Maison (à Vaujany, dans l'Isère), est doté d'une puissance de 1800 MW. Selon ICT, 59% des barrages sont aussi en phase de préparation ou d'étude, ce qui implique un engagement à long-terme de Pékin pour le développement de ces techniques.

Critiques environnementales

Le projet de Motuo est très contesté, du fait de sa localisation: situé sur le plateau du Tibet, il menace de déplacer des foyers, sans que les autorités locales, ni a fortiori les populations, ne soient consultées. La Chine occupe en effet le Tibet depuis 70 ans. Des 34 barrages recensés par ICT dans la région et actifs actuellement, ont déjà résulté plus de 120.000 expulsions. Si Pékin amène son parc à 193 barrages, 750.000 à 1 million de personnes devraient être déplacées, poursuit l'ONG.

La Chine joue aussi un jeu dangereux quant à la ressource en eau: les barrages comme celui de Motuo sont placés sur le fleuve Yangtsé, qui irrigue le sud de l'Asie. Les opposants craignent ainsi un accaparement de l'eau par Pékin, qui en priverait ses voisins, alors que 1,8 milliard de personnes dépendent de l'approvisionnement en eau venu du Tibet.

Pour Motuo, le fleuve qu'il détourne plonge donc au Tibet et en Inde, notamment. La Chine souligne qu'il ne doit y avoir "aucun effet négatif en aval", mais l'Inde a déjà rappelé qu'elle ferait "le nécessaire" pour "protéger ses intérêts". La Chine vit depuis longtemps dans la crainte d'un manque d'eau, alors que sa population d'1,4 milliard d'habitants ne bénéfice que de 6% des réserves mondiales.

Le barrage pourrait tout à la fois garantir le contrôle de cette ressource, subvenir aux besoins énergétiques du pays, et offrir à Pékin un ascendant économique régional - puisque la Chine envisage de vendre une partie de l'électricité produite à ses voisins. Mais cela n'inclut les menaces liées au réchauffement climatique : les chaleurs extrêmes menacent le bon fonctionnement des barrages dans la région. Des critiques fusent aussi quant à la vulnérabilité des méga-barrages, alors que la zone est sismique.

Valentin Grille